A une autre époque, malheureusement pas si éloignée pour le pays des Lumières, Perrine aurait été taxée d’hystérie, une maladie sexiste longtemps considérée comme l’apanage des femmes, aux temps glorieux où les troubles mentaux avaient un genre. Surtout, elle n’aurait pas eu le choix. Condamnée alors, et dès son premier cri, à une totale incapacité juridique, cette jeune fille bien née aurait été dotée par son père puis, en éternelle mineure, livrée en pâture à un mari imposé qu’on imagine sans mal avoir mauvaise haleine.
Fort heureusement pour elle, Perrine est née à Roanne en 1980 , soit 36 ans après que la femme française ait obtenu le droit de vote et d’éligibilité, 10 ans après qu’une mère soit devenue l’égale d’un père en matière d’autorité parentale et 32 ans avant que ne soit abrogée la loi interdisant aux femmes de porter un pantalon. Quoiqu’il en soit, cette année de naissance induisait un fait important : Perrine allait pouvoir choisir sa vie. Choisir de faire ou non des études, choisir son métier, sa sexualité, choisir de se marier ou non, d’avoir ou non des enfants, de dire oui ou de dire non. Car, ici et maintenant, on a toujours, ou presque, le choix. Et ce ne sont pas les pantalons qui manquent.
Perrine Perez est comédienne, comique, pas du tout hystérique, parisienne d’adoption mais enfant du pays souvent de retour. Elle a choisi cette voie après de brillantes études, une vie professionnelle riche, et un mariage auquel elle a failli dire oui. Son premier spectacle, « Celle qui a dit non », nous raconte l’épopée l’ayant conduite du pied de l’autel aux planches du Théâtre des Feux de la Rampe. Il s’agit d’un one woman show savoureux, pétillant, caustique, sincère, drôle, mettant en scène une jeune femme libre et libérée, assumant, pleine d’auto dérision, ses choix, bons et mauvais, dans sa quête du bonheur.
Graine de clown
Petite, Perrine a sacrément du animer les fêtes familiales, et on aurait adoré qu’elle puisse nous sortir les vidéos maison de l’époque.
Déjà boute-en-train en robe chasuble, elle tombe raide de Muriel Robin lorsqu’elle la voit pour la première fois à 10 ans. Elle enchaîne alors les imitations, de Fanny Ardant à Alain Decaux, pour faire digérer la bûche au chocolat ou l’agneau Pascal. Au lycée, elle fait du théâtre et se lance dans la réalisation, très sérieuse, de courts-métrages, aux côté de Nicolas Brossette, devenu depuis réalisateur.
Elle commence ensuite des études d’orthophoniste mais est recalée, c’est un comble, à l’oral (« ce n’est pas un métier fait pour vous»)… Elle s’engage pour 4 ans à Sciences Po, où elle se spécialise en information et communication.
Elle passe sa dernière année d’études à Los Angeles où elle travaille pour le consulat et est stagiaire en marketing et doublages de films. Elle participe d’ailleurs au doublage de la version bonus de Stuart Little 2.
En fait…la comédie n’est jamais bien loin. De retour en France, elle travaille pour des grands groupes audiovisuels dans le secteur des acquisitions. Quand soudain…
Un virage au frein à main
En 2009, Perrine est de retour au pays de la Praluline, et l’amour y est pour quelque chose. Elle a 29 ans, il est temps de s’installer. Elle travaille tout d’abord en freelance, puis en tant qu’associée, pour l’agence de com roannaise « Oz Média », qui s’occupe aujourd’hui encore de ses affiches et flyers. Mais elle se trimballe, selon ses propres dires, une petite voix qui lui parle de comédie et n’est sûrement pas étranger au flou artistique qui va suivre. Elle est sur le point de se marier et, pourtant, l’envoie des faire-part sonne le glas de ses années roannaises. Bris de glace, volte-face, 360° au frein à main sur un col en plein hiver et « 24h dans la vie d’une femme ». Perrine plaque tout. En prononçant un simple mot, « non », elle va se retrouver « sans maison, sans mec, sans boulot, sans argent, mais LIBRE ». Olé.
Elle retourne à Paris et travaille pour Disney où on la pousse à monter sur scène. Révélation et feux d’artifice mais Perrine, en bon élève qu’elle a toujours été, a envie d’apprendre. Elle est prise à l’école du One Man Show, dirigée par Alexandre Delimoges et parrainée par Anne Roumanoff, et suit les cours du soir pour disséquer les rouages de l’écriture et de l’interprétation.
Elle fait sa première scène ouverte au Théâtre des Feux de la Rampe, lors du concours « Kandidator », destiné à découvrir les jeunes talents. Des pantoufles sont distribuées aux spectateurs et c’est à l’applaudimètre que le classement se fait. Elle rencontre son futur co-auteur et metteur en scène, Csaba Zombori, et perd en ½ finale en étant, donc, bien épargnée par les pantoufles.
Puis le directeur du Théâtre Le Bout, à Pigalle (nom à propos s’il en est), séduit par sa prestation, lui propose 30 mns sur scène pendant 5 mois. C’est pour elle un premier tour de piste prometteur.
Celle qui a dit Non
Avec Csaba Zombori, elle a l’idée d’écrire un spectacle : « On en est là ». Ou le parcours initiatique d’une jeune femme qui veut changer de vie et se réaliser pleinement. Une jeune femme d’aujourd’hui qui, partant d’une situation de rupture tragique, a entrevu la possibilité d’une île où elle serait responsable de son bonheur.
Fin 2016, elle arrête Disney pour devenir intermittente du spectacle. « On en est là » devient « Celle qui a dit non », une version élaguée qui gagne en efficacité comique. Elle l’a joué au Boui Boui à Lyon, là où Florence Foresti a démarré, ou encore au Rirozéclat 2017 à Renaison.
Depuis le 22 avril de cette année, il est programmé au Théâtre des Feux de la Rampe à Paris, jusqu’au 26 juin. Ni anti-mecs, ni anti-mariage, elle y campe des personnages, souvent féminins et à forte personnalité, qui ont jalonné son parcours tumultueux. De la grand-mère un tantinet délurée en passant par la mère de famille « psy déséquilibrée »…Perrine revient, piquante, lucide et inénarrable, sur sa quête d’elle même.
Le résultat vaut bien un aller-retour à Paris, si vous ne pouvez attendre qu’elle joue à domicile. Car cette comédienne est, selon votre âge, à suivre, à follower, à liker, à partager, à applaudir et à saluer bien bas.
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