SES VIES EN UNE
Choisir, c’est renoncer. Qu’à celà ne tienne, alors ne choisissons pas. C’est un parti pris, un ascenseur, peut-être, pour la tachycardie, mais, quand on a le coeur bien accroché… pourquoi pas. Et puis, il y a des gens, comme çà, qui n’ont pas besoin de beaucoup de sommeil, ou passent un pacte avec le temps, sans que le diable ait voix au chapitre. Des gens qui fonctionnent à je ne sais quel carburant abracadabrant, et dont l’énergie endurante pourrait constituer une alternative au nucléaire. Une sorte d’électricité biologique qui dynamise plusieurs mondes, qui rayonne et rend possible, enfin, la théorie du ruissellement. Parce que ces gens là, en règle générale, éclairent autour d’eux. Hyperactifs peut-être, créatifs sûrement, ils font en une journée ce que le commun des mortels remettrait au lendemain, ou à jamais. La procrastination ? Connaissent pas.
Emmanuel Demont, par exemple, qui, s’il était un super héros, serait le seul qui s’éclate vraiment, a choisi de ne renoncer à aucune de ses passions : la radio, l’évènementiel, la cornemuse (ça ne s’invente pas). Speaker de l’AS Saint-Etienne, directeur de communication et d’évènementiel de la ville de Roanne et son agglomération, membre d’un des 10 meilleurs groupes musicaux bretons, il a en plus trouvé le temps de venir nous parler de son parcours atypique, azimuté, bouillonnant, instinctif. A cet Epicure du travail, qu’il considère lui comme une promenade (énergique !) de santé, Roanne doit, entre autres, la fête de la musique, les shows d’illuminations et pyrotechniques de la ville. Comme Saint-Etienne, l’autre ville aux 7 collines, lui doit la voix du chaudron, et le Bagad de Cesson Sévigné, un ensemble musical breton… quelques sons bien envoyés. Comme quoi, tous les chemins mènent à Rennes. Oui, mais comment ? Comment se fait-il qu’un roannais, qui n’est pourtant pas un rennais comme les autres, se retrouve en sonneur sur la scène du festival interceltique de Lorient, entre deux animations à Geoffroy Guichard ? Mais il y a surtout, par dessus tout, Emmanuel, une question qui me taraude… et la sieste dans tout çà ? Le ptit somme réparateur, la ronflette sur méridienne, le roupillon au soleil, et le bullage d’après dodo ? On en fait quoi ?
Bonjour Emmanuel. Pour commencer et lever le doute… êtes-vous roannais ou breton ?
Un vrai roannais et fier de l’être. Je suis né en 73, à la clinique Brossolette très exactement ! Je suis un pur produit local. Et j’adore ma ville. Je la trouve de plus en plus moderne, dynamique, pleine de ressources et de talents.
Alors comment en vient-on, ici, à jouer de la cornemuse ?
Au siècle dernier, le commerce de tissu entre Nantes et Roanne via le canal, puis l’arsenal, ont rassemblé une communauté de vrais bretons qui se sont regroupés en amicale et ont créé un bagad, un orchestre complètement atypique dans notre ville. Mon « papi » s’est retrouvé à porter le drapeau en tête du cortège. A force de suivre en poussette, cette musique m’est montée à la tête et ne m’a jamais lâché. A 10 ans, j’ai commencé la cornemuse. Et j’ai adoré !
Tellement adoré que vous faites aujourd’hui partie du bagad de Cesson Sévigné, un des meilleurs groupes français de musique celtique !!
Oui, on joue, c’est vrai, en première catégorie, l’élite de cette musique. C’est un groupe d’une cinquantaine de musiciens qui a la chance d’être dirigé par une femme exceptionnelle, l’une des trop rares cheffes d’orchestre. Un privilège ! Je les retrouve dès que possible sur scène, comme au festival de Lorient. Mais avant çà, il y a eu d’abord l’armée, que j’ai faite dans la marine, en tant que musicien, sans toucher une arme. Je faisais partie du Bagad de Lann Bihoué, qui nous a emmenés jusqu’en Louisiane ou en Nouvelle Orléans. C’était extraordinaire ! De retour dans la Loire, j’ai longtemps été en charge du bagad de Roanne, avec lequel nous avons joué deux fois à l’Olympia et dans de nombreux Zénith dans toute la France… Nous étions de très bons ambassadeurs de la Bretagne et une superbe vitrine de notre ville, mais celà demandait un investissement humain que tout le monde n’était plus prêt à faire. Après presque 30 ans dans ce groupe il était temps pour moi de partir. Aujourd’hui, à Cesson-Sévigné, je suis heureux et très bien entouré, ils me chouchoutent. Je n’ai qu’à bien répéter chez moi, arriver en sachant mes partos sur le bout des doigts, jouer et…profiter. J’adore la scène, les métissages musicaux qu’elle permet, et le partage avec le public qu’elle fait naître.


Parlons alors d’une autre scène: celle de Geoffroy Guichard, où vous avez commenté votre premier match en 2009. Comment êtes-vous devenu le speaker des Verts ?
Ca remonte, aussi, à l’enfance. La radio me fascinait et je participais à beaucoup de concours. A force d’aller récupérer mes cadeaux dans les studios de Radio Roanne et d’insister lourdement… ils ont un jour accepté de me laisser animer une émission de dédicaces. J’avais 14 ans ! La radio est une très bonne école pour apprendre à faire passer ses émotions. J’ai eu des animateurs roannais top qui m’ont transmis leur savoir et fait bosser pour progresser. Et puis, comme l’école, la vraie, ce n’était pas mon truc… J’ai même animé des émissions la nuit, sans que ma mère le sache ! Après avoir quitté Radio Roanne, je suis arrivé sur Europe 2, où j’ai eu l’occasion d’accueillir dans mon émission Christophe Sautarel, lorsqu’il était étudiant à Roanne et qu’il n’incarnait pas encore la voix du chaudron. Il voulait apprendre, alors à mon tour je lui ai transmis le virus de la radio. Des années après, lorsqu’il a eu besoin d’un remplaçant, c’est moi qu’il a appelé. A son départ définitif, je suis devenu le speaker officiel. J’ai toujours les mêmes frissons dans le chaudron, au milieu d’un stade qui a les meilleurs supporters de France, et des souvenirs inouïs d’interviews, comme avec Zinédine Zidane.
Pourtant, ce n’est pas votre métier à plein temps… il y a encore autre chose, non ?
Oui, parce que j’ai toujours été passionné, également, d’évènementiel. Même si je n’étais pas un fou furieux des études… j’ai tout de même obtenu mon bac G3. Au rattrapage et grâce à un sujet que je connaissais bien : l’histoire des médias. J’ai ensuite suivi un BTS en alternance, que j’ai été le seul à avoir, à l’oral encore, cette fois ci grâce au « milieu de l’animation ». J’étais prédestiné ! J’ai monté ma boîte dans l’évènementiel, qui m’a permis de rencontrer des gens de terrain extrêmement enrichissants. A la naissance de ma 1ère fille, j’ai décidé de privilégier ma vie familiale et de rester à Roanne. J’ai travaillé longtemps en presse au Pays Roannais, au service des ventes du journal, avant d’être nommé directeur régional du groupe Centre France pour gérer la diffusion de quotidiens et des hebdomadaires. Très enrichissant. Lorsque le poste de directeur de la communication et de l’évènementiel de Roanne s’est libéré, j’ai postulé. Et j’ai été pris. Au quotidien mon métier, c’est valoriser la ville, l’agglo, l’action des élus, et créer l’évènement. Voilà donc mon travail à plein temps, entouré d’une équipe fabuleuse et d’élus qui nous poussent à donner le meilleur, dans une région que j’aime viscéralement et qui a de vrais atouts.
Comment arrivez-vous à tout faire avec autant d’énergie ?
J’ai juste le luxe d’avoir autour de moi des personnes extrêmement compétentes, que ce soit dans mon taf à Roanne, au micro à Saint-Etienne ou au sein du bagad. Sans les autres, sans eux, je ne suis rien ! Je vis, la passion et le partage me font vibrer. Sur scène, sur la pelouse ou avec ma cornemuse, je suis toujours le gamin qui respire ce plaisir intense. En fait, dans la vie et dans ma tête, j’ai toujours 14 ans et le même kiffe que quand j’ai commencé. J’ai saisi les opportunités, et profité des énergies positives qui m’entourent. Ce n’est pas ce que je fais qui est extraordinaire, mais bien tout ce qui m’est arrivé au cours de ma belle vie.

