Il n’était à priori pas fait pour les intrigues mélo dramatiques, les revirements improbables, les rencontres imprévues, les liaisons secrètes, les coups de théâtre et les roulements de tambour. Il n’était semble-t-il pas fait pour les levers de rideau, les monologues sur scène, la tragédie, la comédie et, puisqu’on y est, la dramaturgie. Jusqu’à preuve du contraire, il n’était pas fait pour écrire, monter des spectacles, concocter des « lectures gastronomiques » et chanter ses textes, à la Gainsbourg, sur de la musique électro. Dans le principe, il n’était pas fait pour la TV, le cinéma, le théâtre ou la chanson. Non, ce qu’il voulait, lui, c’était être prof de sport, et, en cumulant les bonifications forfaitaires pour une demande de rapprochement familial, siffler des départs de 110 mètres haies quelque part dans le Roannais. Mais, à bientôt 47 ans, il n’ignore plus que la vie a parfois des projets, sinon contrariants, pour le moins sidérants.
Régis Maynard est né un 26 juin , comme Salvador Allende ou Chris Isaac, sûrement surpris eux aussi par leur destin. Un lundi de 1972, à Lyon. Charlie Hebdo, qui coûte alors 2 francs, sort son 84ème numéro. Sa maman, originaire de Saint Denis de Cabanne, n’est pas tout à fait convaincue par le tablier de sapeur, et la famille s’installe à Roanne en 1974, rue Edgard Quinet très exactement, puis, bientôt, à Nandax. Alors que tout semblait si bien s’annoncer, l’enfance heureuse, la scolarité sans fausse note et le cap mis sur une carrière en survêt- qu’a-t-il bien pu se passer ? Qu’a-t-il bien pu se passer pour que Régis devienne un artiste protéiforme aujourd’hui dans la distribution de « Plus Belle La Vie », célèbre soap-opera français diffusé sur France 3 depuis 2004… ? Comment devient-on acteur, comédien, auteur, metteur en scène, chanteur, et j’en passe, sans s’y être un minimum préparé ? C’est justement ce que nous avons cherché à comprendre, ou quelle forme de laisser-aller pouvait avoir une issue si « bohemian chic » ? Alors là, oui, vraiment, il va falloir nous expliquer…
Régis, après le collège à Charlieu, après Carnot et Jules Ferry, à quel moment tout a basculé ?
C’est vrai que je faisais beaucoup de basket, puis du foot, et que mon rêve était d’être prof de sport. Mais un mauvais timing s’en est mêlé… en terminale, j’ai réussi le concours sans obtenir mon bac, puis obtenu mon bac sans réussir le concours… Un peu dérouté, je suis parti en fac de sociologie à Lyon, jusqu’en licence. J’ai adoré, sans savoir ce que j’allais faire de tout ce bonheur… Après un peu d’errance estudiantine, j’ai répondu à une petite annonce dans le Pays Roannais, pour une troupe de théâtre de Charlieu qui préparait un synopsis sur Jim Morrison. Je ne saurais même pas expliquer pourquoi j’ai fait çà… l’idée d’une carrière artistique ne m’avait jamais traversé l’esprit. Contre toute attente, j’ai été pris et ça a été Ma révélation. J’ai ensuite rejoint le groupe musical roannais Babylon Circus. Avec eux, j’ai fait l’expérience du théâtre de rue, du spectacle vivant, je faisais le clown, j’écrivais des chansons…
Jusqu’à en faire un métier ?
Oui, c’était devenu clair. D’ailleurs, j’ai passé le concours du Conservatoire d’Art Dramatique de Toulouse et je l’ai réussi… Je suis resté des années là-bas, de 97 à 2004. J’y ai monté, aussi, ma 1ère troupe, écrit mes 1ères pièces…
Beaucoup de projets, dans votre carrière, tournent autour de l’écriture…
L’écriture est assez naturelle pour moi, J’ai beaucoup écrit pour Roanne Table Ouverte, comme « Quand ma femme m’a quitté je me suis fait un sandwich », l’opéra rock « Homme at Home », ou encore « Voisins », un spectacle joué avec Sophie des Tit’ Nassels, dont je suis très proche… J’ai souvent tourné à Roanne et à Charlieu… J’ai également écrit un roman, en 2010 : « Il déserte », ou l’histoire d’un trentenaire qui, en réaction au « travailler plus pour gagner plus », décide de tout plaquer du jour au lendemain. Et puis, après avoir longtemps écrit des chansons pour les autres, j’ai un projet de disque sous le pseudo « Simple Charles », que j’aimerais voir aboutir d’ici à la fin de l’année… Donc, effectivement, l’écriture est très importante pour moi.
La télé, le cinéma, c’est arrivé comment ?
J’ai tourné pour la 1ère fois dans un téléfilm en 2004. C’était « Jaurès : naissance d’un géant », avec Philippe Torreton et Valérie Kaprisky. J’ai ensuite enchaîné les petits rôles, à la TV ou au cinéma, mais sans jamais percer. La précarité de ce métier est très déconcertante, très fatigante et j’ai lâché l’affaire en 2011, pour redevenir l’artisan de ma compagnie « la 6ème Heure ».
Alors comment avoir atterri sur le casting de « Plus Belle La Vie » ?
En 2017, j’ai envoyé une « self-tape » (ou scène enregistrée chez soi) pour le film « Sans Famille ». On m’a confié un rôle et j’ai réintégré l’agence d’artistes Arlette Berthommé. C’est là que j’ai été repéré par la directrice de casting de PBLV. On s’est rencontrés et j’ai été pris pour jouer le rôle de Eric Norman, un capitaine de la BAC qui dissimule son homosexualité. Bref, en quelques jours, et à 45 ans, une fenêtre s’est ouverte, qui a changé ma vie.
En bien ?
Evidemment, ce « coup du sort » m’a rendu plus fort, et les choses se sont enchaînées, à la TV et au cinéma. Avec PBLV, j’en suis à environ 150 jours de tournage depuis ma 1ère apparition le 5 juin 2017. J’adore cette aventure, je me régale, l’ambiance est formidable et mon rôle prend de l’ampleur depuis le mois d’août. Je suis fier de faire partie de cette série, elle défend des phénomènes de société. Les fans le disent, elle permet d’aborder beaucoup de sujets en famille, de dialoguer, de parler, de communiquer.
Cette notoriété vous apporte beaucoup sur un plan professionnel, et, sur un plan personnel ?
Ma marque de fabrique a toujours été la simplicité, et cette série permet de rester au contact des gens, de leurs préoccupations. La sociologie m’a profondément marqué et je suis convaincu que, même si nous sommes dans une société où l’image prédomine et où la somme des solitudes est énorme, il faut restaurer le lien social, être ensemble, parler, échanger. C’est, aussi, ce que j’essaie de transmettre à mes 3 enfants.
Il vous reste du temps pour écrire, chanter et… venir à Roanne ?
J’ai un peu mis de côté mes autres activités, c’est vrai, le temps me manque. Mais la sortie de mon album me tient à coeur. Et je devrais, aussi, commencer mon prochain roman, dont j’ai déjà la trame. Quant à Roanne… j’y reviens, pour mes parents et amis le plus souvent possible. J’aime sa rue piétonne, j’aime Charlieu, la campagne du Brionnais, ses vallons et ses vaches blanches… J’habite Paris, mais mes racines sont ici… Ad Vitam Eternam.