Et là vous vous dites : « ça y est, on y est, Le Bruit Qui Court tourne en rond et commence à nous servir du réchauffé. Celui-là, on le connaît, ils nous en ont déjà parlé. Si ils croient qu’ils vont nous la faire à l’envers ! D’ailleurs, si ça continue, va falloir que ça s’arrête ». On se calme, on se calme. Premièrement, tout le monde ne nous suit pas depuis le début et il faut bien faire quelques sessions de rattrapage (cf LBQC n° 3). Deuxièmement qui vous dit que de directeur du festival Ciné Court Animé, ce jeune homme n’est pas devenu dresseur de pandas roux au Zoo de La Flèche ? Et le droit à la reconversion alors ? Troisièmement, on assume la tête haute car il y a largement matière à faire un bis repetita. En effet, même si Loïc Portier ne s’est pas découvert de passion pour les mammifères de l’Himalaya, celle qu’il nourrit pour l’univers du court-métrage suffit à un nouvel épisode de sa vie animée, qu’il décline en « ville animée ». Et, par un heureux concours de circonstances, cette ville, c’est la nôtre.
Car si Loïc a tout appris en Espagne, où il était initialement parti pour un projet de clap de fin d’études, c’est à Roanne qu’il a fait le pari de monter le festival Ciné Court Animé, avec la crème des productions des 4 coins du monde, jury international, et tout le cortège d’une affaire qui tourne. Son énergie communicative a eu le temps, en 10 ans, de faire des petits hyperactifs, et c’est aujourd’hui toute une agglomération qui participe à l’événement sous forme d’expos, conférences, rétrospectives, etc. Pour ce 11ème festival, au rayonnement désormais international, la sélection est loin de tourner court, et le contraire serait un comble. Depuis 10 ans déjà, Loïc passe son temps à visionner des courts-métrages, traquant inlassablement les pépites du monde entier, comme un limier sur la piste du nec-plus-ultra de l’animation. Il y en a, c’est vrai, qui ont de beaux métiers. Ce passeur d’histoires nous les amène sur un plateau, escortées de poésie, d’humour, de tragédie, d’amour, de talent. Une fois passé l’âge du marchand de sable et de la fée des dents, arrive, heureusement, celui du ciné-court animé. Et celui-ci, aucun petit malin ne pourra nous l’enlever.




Bonjour Loïc. Dans quelques jours commencera la 11ème édition de ton festival. Il grandit comme tu l’avais imaginé ?
Oui car la ligne artistique se définit sur le long cours. Nous sommes passés de 2500 spectateurs la 1ère année à 13452 très exactement en 2019. Sans compter tous les scolaires, de plus en plus nombreux. Faire grandir le festival, pour moi, c’est fidéliser notre public, et pas forcément monter dans les tours en faisant le buzz. Faire des milliers d’entrées supplémentaires n’aurait pas de sens si on veut rester sur un même niveau de qualité. Notre public est actif, un vrai rôle lui est donné, et ce n’est possible qu’avec un festival à taille humaine, qui nous permet aussi de mettre en avant des auteurs et de créer des interactions.
Comme Jérémy Clapin, qui sera présent pendant deux jours pour aller à la rencontre du public ?
Exactement. Jérémy fait partie de l’histoire du festival. Il a gagné ici le grand prix du public il y a 10 ans, avec son court-métrage « Skhizein ». La même année, et avec le même film, il a été nommé aux Césars puis a obtenu de nombreux prix. Après plusieurs récompenses pour son long-métrage d’animation « J’ai perdu mon corps » en 2019, dont le Grand Prix de la Quinzaine des réalisateurs du prestigieux festival de Cannes et un achat au niveau international par Netflix, il revient parmi nous pour échanger avec le public. Cette année, il est finaliste aux Césars, et je suis sûr qu’il va l’avoir ! Voilà comment grandit notre festival : en suivant des talents, des trajectoires. On apporte au spectateur, au milieu cinématographique et à l’auteur. La boucle est bouclée.
Le Ciné-court apporte beaucoup à la ville aussi, où il prend de plus en plus de place …
C’est vrai que nous aurons cette année 13 lieux de diffusion, dans et autour de Roanne : la médiathèque, le musée, le théâtre, la Cure, l’université etc. L’idée est de proposer aussi un vrai parcours à ceux qui viennent de l’extérieur. Entre les projections, les spectacles, les rencontres, les expos, etc…. chaque journée du festival peut être très riche. Sans compter que si les séances s’étendent sur 7 jours, la programmation couvre une période beaucoup plus large. Par exemple, l’expo à la médiathèque autour du film « Une histoire de Jeannot » est visible pendant deux mois.
Justement, tu peux nous en dire plus sur le programme de cette année ?
240 films ont été sélectionnés, en provenance de plus de 40 pays, et réalisés avec des technologies très différentes les unes des autres. Nous avons mis en place il y a 3 ans des ateliers de réalité virtuelle, que nous poursuivons cette année en partenariat avec Arte au musée Déchelette. Toujours au musée, l’expo « Timeshells », d’Adriaan Lokman, dèjà primé pour son film « Flow », devrait faire parler d’elle. Concernant le jury, nous compterons notamment sur la présence d’Augusto Zanovello, primé en 2014 pour son film « Lettres de Femmes ». Il y aura une spéciale « animation italienne contemporaine », avec des choses très avant-gardistes, en plus de la spéciale «documentaires animés», et « expérimentale ». Et puis, comme chaque année, les compétitions nationales et internationales dans diverses catégories.
Comment tu organises tout çà ? Tu as une équipe ?
Pour la partie artistique, je suis seul à travailler toute l’année à la préparation de la sélection notamment… Je passe mon temps à visionner des films pour dénicher les perles rares. Cette année, ça a d’ailleurs été très dur de choisir tant il y a du niveau. Si je m’écoute… j’en rajoute tout le temps. Pour tout le travail de production, logistique et de communication, le festival est porté par la Ville donc il y a une équipe provenant des services culturels et communication de la ville de Roanne. Il y a aussi le bédéiste Clément Lefèvre pour le visuel, le Renoir et Le Grand Palais, et au moins une trentaine de bénévoles chaque année de Ciné Rivage ou encore du lycée Jean Puy. Des partenariats sont également créés, comme avec le conservatoire, pour une vraie dynamique de territoire.
Des souhaits pour l’avenir de ce festival ?
Qu’il continue à se renforcer. Aujourd’hui, Roanne n’a pas à rougir au niveau programmation par rapport à des manifestations emblématiques et historiques comme Clermont ou Annecy. Nous sommes d’ailleurs les 3 seuls festivals représentés au comité Animation de l’académie des Césars. Quant à son évolution, elle viendra du futur, des innovations qui donnent tant de diversité. Si on veut la mettre en avant, cette diversité, il faut être boulimique et acharné. Je suis déjà en train de faire du repérage pour 2021. Les nouveautés arrivent, mais on ne les voit pas venir, alors il faut être sur les bons projets au bon moment. On ne sait pas de quoi l’avenir du court-métrage sera fait, et c’est là sa richesse, mais ce qui est certain, c’est que j’aime ce festival, tel qu’il est, et à Roanne.
