Bienfaiteurs depuis 1875
Il fallait bien çà après la guerre de 1870. Déjà qu’on avait perdu l’Alsace et la Lorraine… si en plus on avait dû noyer la défaite dans l’eau de boudin, comme ça, sans rien… restait plus qu’à vivre pour des prunes, sans jamais se fendre la poire. Heureusement, et alors que nous n’avions plus ni flammkuche ni bretzel à tremper dans le schnaps, certains ont eu l’idée d’inventer des breuvages consolateurs pour oublier ceux qui portaient déjà, paraît-il, des chaussettes dans leurs sandales. Parce que, c’est vrai, les prussiens nous avaient mis une belle châtaigne. Et ce n’était pas avec des nèfles qu’on allait s’en sortir.
Alors voilà. Nous sommes au début de la 3ème République et la révolution industrielle amène en ville beaucoup de villageois qui vont gonfler les rangs de la classe ouvrière. Ces travailleurs se retrouvent quotidiennement dans les cafés, alors très nombreux, pour retrouver la convivialité de leur vie passée. Ainsi, Thizy-les-Bourgs voit sa population augmenter et, avec elle, la multiplication de ses estaminets. A la fin du XIXème siècle, la ville compte 120 débits de boisson pour… aller… 4000 habitants. Ca en fait, des gosiers à dessoiffer ! Avec ou sans alcool, il faut s’y coller. Quant à l’alcool, parlons-en ! Dans la France d’alors, un enfant sans nourrice peut être facilement nourri avec du vin doux pour, croit-on, le rendre robuste, de la même façon qu’on paye parfois une partie du salaire de l’ouvrier agricole en boissons grisantes dont l’abus se fait sans modération, ou qu’on décongestionne les poumons de l’ouvrier en métallurgie à grandes rasades de sirop de Calabre ou de rhum… L’apéritif devient « la prière du soir du français », qui « avale une mitrailleuse », « étouffe un perroquet », « souffle une chandelle », ou « siffle une blèche » en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Dans ce contexte, mieux vaut faire commerce d’eau de vie que d’eau bénite, surtout que le clergé n’est plus vraiment en odeur de sainteté. Si tous ces gais lurons avaient su que quelques 150 ans après… la bamboche serait terminée, les bars fermés, l’after-work plié à 17h30, et que l’alcool de betterave servirait davantage à fabriquer du gel hydro alcoolique que des nectars récréatifs…
Pourtant, ils sont encore là. Les Frères Crozet, de la distillerie du même nom, à Thizy-les-Bourgs. Attendant, comme nous tous, que les bars, hôtels et restaurants reprennent des couleurs. Ils surveillent le pouls, la température, et s’agitent en salle de réveil, veillant tout à la fois sur les épiceries fines, les cavistes, notre attrait grandissant pour le savoir-faire artisanal et notre irréductible passion gauloise pour les bonnes choses. Crozet Frères, « dans leur jus », préparent, dans le monde d’avant, les boissons du monde d’après. Car l’espoir n’est pas mort, de caresser bientôt du zinc et de trinquer tous en coeur. Nos levers de coude sont certes rouillés, mais la convivialité, comme le vélo, ne s’oublie pas.
La distillerie « Au Temps Jadis »
On s’attendrait à les voir arriver en pantalon de coutil, blouse ordinaire et tablier, casquette, monocle et moustache guidon. Jean-Charles et Nicolas Crozet, respectivement oncle et neveu, représentent la 5ème et 6ème génération d’une distillerie en provenance directe d’un retour vers le futur. Tout ici témoigne d’un passé qui traverse les âges et rendrait surannée toute intrusion de modernité. Nous sommes en 1875, Claudius Crozet est négociant en vin et cafetier à Thizy. Son fils Louis revient de son service militaire avec une recette de crème de cassis transmise par un conscrit bourguignon. Celle-ci remporte les suffrages du public et les bases de la distillerie se mettent en place. La crème de cassis fait vite des petits et Crozet Frères-car il y aura, par la suite, toujours des frères- s’installent en 1891, avec grimoires et alambic, dans des locaux distribués en étages sur 2000m2. Ceux que nous avons visités, avec enseigne, machines et tonneaux d’époque. Car Jean-Charles et son frère François, aujourd’hui retraité, ont tout conservé : des vieux livres comptables aux anciennes plaques d’impression, des zesteuses (pour séparer le zeste du ziste) aux slogans d’autrefois, qui feraient pâlir les publicistes d’aujourd’hui. Après 145 ans d’existence, 2 guerres, plusieurs crises et changements sociétaux, les mêmes cuves en ciment verre d’un temps où l’inox n’existait pas, les mêmes bonbonnes Marie-Jeanne, le même alambic en cuivre… font ensemble le job pour produire des sirops et des liqueurs d’exception. Même le scellage des bouteilles se fait encore manuellement, avec de la cire à cacheter. Pour autant, rien n’est désuet. Anachronique peut-être, millésimé sûrement. Et, finalement, rassurant, généreux, consolatoire. Sans avoir encore rien goûté.
Qu’est-ce qu’on boit ?
Certaines recettes sont restées inchangées, d’autres ont fait leur apparition avec l’air du temps. Il faut dire que le marché n’est plus le même. 90% de la production étaient destinés aux cafés/hôtels/restaurants jusque dans les années 80, contre 50 % aujourd’hui. Crozet Frères approvisionne les épiceries fines et cavistes, sans passer par la case grande distribution. La distillerie a également une activité de créateur et fabriquant de boissons à la demande dans le domaine brassicole, viticole, pharmaceutique, dans celui de la chocolaterie ou de la salaison. Jean-Charles et Nicolas ne sont que deux pour tout gérer : dosages, assemblages, macérations, infusions, distillations, etc. Les matières premières utilisées proviennent essentiellement de la région Rhône-Alpes-Auvergne, et l’alcool de betterave, au goût neutre, du nord de la France. Les fruits, plantes et essences sont sélectionnés sur des critères stricts, permettant aux sirops d’être facilement identifiables en bouche, et aux alcools de rester en mémoire. Ou l’inverse. Cardamone, fèves de cacao (de chez Pralus), angélique, gentiane, lavande, aiguilles de sapin ou bois de quinquina attendent sagement leur heure, tandis que le vin d’épices, le marc de Bourgogne, le Peppermint ou la verveine n’en finissent plus de nous attendre, nous. 150 plantes différentes, dont des Edelweiss, côtoient des zestes variés, pour s’envoyer gaiement en l’air dans les vapeurs d’alcool de serpentins alambiqués. Et nous sommes là à sentir tout çà, à découvrir l’apéritif Skos, le Prunus Spinosa, la Trouspinette ou le « Citron Crozet, « Citron Parfait », à penser goguette, bastringue, tapenade, verre à ballon et tournée du patron. Croisant les doigts pour que, longtemps encore, la distillerie Crozet Frères « n’imite rien, surpasse tout ».

04 74 64 00 26
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