Il y a eu le roi de l’évasion, le roi de la lévitation, le roi de l’illusion, le roi du « des fois ça marche, des fois ça marche pas». On ne compte plus les foulards qui disparaissent, les assistantes en deux morceaux, les scies qui circulent, les gobelets trop rapides et les lapins sortis de chapeaux pour nous faire avaler des couleuvres. Il y a ceux qui marchent sur l’eau, gobent des sabres, dédoublent des colombes, traversent des murs et cassent pour de faux 3 pattes à un canard. Avec ou sans formule abracadabrante, « shazam », « bibbity bobbity bou » ou « telephono disparito », ils nous retrouvent une aiguille dans une botte de foin, une carte dans une canette, un billet dans un citron, une souris dans une manche, une anguille sous roche. Sans parler de ceux qui, en un tour de main et ni vu ni connu, subtilisent votre IPhone 12 ou téléportent leur pouce. Le « presto digiti », ou agilité des doigts, mère de la prestidigitation, existe depuis la nuit des temps. L’art de créer l’illusion, de faire apparaître, disparaître, ou se transformer les objets, a subjugué l’Homo Sapiens de la préhistoire à aujourd’hui, dans un cadre religieux d’abord, ludique ensuite. L’un des prêtres de la cour du Pharaon Kheops s’amusait déjà à décapiter des oies pour leur rendre leur tête immédiatement après. Stupeur et fascination chez les Egyptiens. Au Moyen-Age, la distinction est faite entre tours de passe-passe et sorcellerie. Ce qui évite le bûcher à bon nombre d’illusionnistes davantage doués pour manipuler dés, pièces et gobelets que pour les rites sataniques. D’abord pratiquée dans la rue, la magie met bientôt en scène ses tours dans des spectacles qui font son âge d’or à la fin du XIXème siècle. Le père de la magie moderne, Jean-Eugène Robert Houdin (1805-1871), fait de la science de l’escamotage un art, qui s’épanouit alors dans des lieux prestigieux. Depuis cet inventeur génial, qui n’a cessé de dénoncer les bonimenteurs donnant à leurs tours des explications surnaturelles, des artistes de renommée internationale ne vivent que pour nous jeter de la poudre aux yeux. Harry Houdini, David Copperfield, Criss Angel, Dynamo, Messmer, et pourquoi pas Garcimore… tous ont marqué, et marquent encore les esprits par la vivacité du leur, ou du leurre. Entre magie « close-up », street magie, grande illusion, mentalisme, magie digitale et numérique… l’histoire continue de s’écrire, charmant les plus récalcitrants d’entre nous.
Léon Blondeau-Fouilland, dit « Léon le Magicien », est sûrement le seul roannais de sexe masculin à pouvoir deviner nos pensées. D’histoire de femme, ça ne s’est jamais vu. Cet énergumène très énervant est aussi sympathique qu’insoupçonnable. Son talent est son immunité. Impossible de le coincer. Car il fait aussi bien disparaître une Porsche qu’il fait dire à un spectateur aux yeux bandés ce qu’un autre a dans la main vingt sièges plus loin. Entre magie et miracle, franche rigolade et jeux de lumière, Léon vit sa vie de prestidigitateur moderne, sous vos applaudissements, vos yeux ébahis et les « whaou » échappés de vos bouches bées. A bien y réfléchir… Léon à l’envers, ça donne un truc genre… Noël. Alors voilà, c’est cadeau…
Léon, tu es, à 26 ans, un artiste accompli qui vit de sa passion. Mais… est-ce qu’on naît magicien ou est-ce qu’on le devient ?
On le devient ! Avec beaucoup de travail. Il n’y a pas de don à la naissance alors sans passion et assiduité, c’est impossible.
Quand t’est venue cette passion ?
Lors d’un voyage à Paris quand j’avais 10 ans. Mon père m’avait amené visiter le musée Grévin. Il y avait un stand avec un magicien qui faisait des tours. Et je suis resté bloqué à l’observer. J’étais subjugué. Mon père s’en est rendu compte et m’a proposé, en sortant, d’aller dans un magasin spécialisé. Il m’a offert mon 1er jeu de cartes, que j’ai toujours sur moi, et un DVD d’apprentissage grâce auquel j’ai pu découvrir les bases. Depuis… je n’ai plus jamais arrêté la magie.
D’accord, mais j’imagine qu’il n’y a pas de Poudlard, soit d’école, en France. Comment en es-tu arrivé à ce niveau de maîtrise ?
En y consacrant pendant des années plusieurs heures par jour, avec des DVD, et en puisant dans les ressources d’internet. Une fois qu’on a acquis les bases, il faut faire beaucoup de recherches, d’essais, d’entraînements. La dextérité s’apprend. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas vraiment d’école, même si je crois qu’il existe depuis peu un BTS, qui de toutes façons ne peut pas se substituer au travail personnel. Moi, j’ai aussi participé à de nombreux séminaires, ou « formations » qui permettent de nous inculquer les rudiments de la mise en scène. En 2012 par exemple, j’ai suivi une session d’une semaine auprès de 4 Maîtres du genre. Parmi les « élèves » inscrits comme moi, il y avait… Gérard Majax. En fait, pour évoluer, les rencontres et échanges sont essentiels, même si on est un magicien chevronné.
Depuis quand en as-tu fait ton métier ?
En terminale, j’ai commencé à faire des spectacles de temps en temps. Le tout premier était à Charlieu et j’ai découvert que je n’avais pas le trac du monde. Après le bac, je me suis dit : et pourquoi ne pas en faire mon métier ? J’en ai parlé à mon père, qui m’a fait confiance et m’a accompagné dans mes choix pendant un an. Je me suis vite professionnalisé, en créant un spectacle. C’était essentiel pour devenir un performer, et non plus seulement un « animateur ». Depuis juillet 2014, je vis de la magie. Soit en « close-up », c’est-à-dire de la magie de proximité pour un petit groupe de personnes, soit sur scène avec des tours très visuels et un écran géant, qui fait partie du show.
On te connait également pour tes performances de mentalisme et d’hypnose n’est-ce pas ?
Oui, j’ai eu envie de me diversifier, et de corser un peu les choses. J’adore la difficulté ! Le mentalisme est un mélange de magie et de psychologie qui donne des résultats inexplicables. Dans mes spectacles, je ne me prends pas au sérieux et, justement, le public est encore plus troublé par ce que j’arrive à faire, ou à deviner. L’hypnose… c’est encore autre chose. Il ne s’agit que de psychologie. Ce n’est pas ce que je préfère car la discipline a parfois mauvaise presse. Pour autant, si les techniques sont secrètes, elles sont à 100% explicables. Tout le monde peut-être, plus ou moins, réceptif et connaît quotidiennement l’état hypnotique. Quand on conduit tout en étant perdu dans ses pensées par exemple. Hypnotiser est beaucoup plus facile que pratiquer la magie ou le mentalisme. Mais on ne peut pas faire faire, heureusement, n’importe quoi à quelqu’un.
Ton dernier spectacle justement, « Magic Live », est un mélange de magie et de mentalisme. Comment trouves-tu l’inspiration ?
J’aime la création, mixer le côté « vu à la TV », mes inventions, et le remaniement à ma sauce de tours connus. Surtout, j’aime que l’effet soit prodigieux, sidérant, sensationnel. En cela, la mise en scène est très importante et c’est un aspect du métier qui me passionne : créer un spectacle d’1h15 qui soit une succession de « whaou » pour les spectateurs. Il faut se renouveler sans cesse pour capter l’attention.
Ce spectacle, tu l’as joué cet été à Avignon, et tu as encore de nombreuses dates un peu partout en France, dont à Lyon sur cette fin d’année. Après des shows à Las Vegas, en Espagne, en Suisse… à quand un spectacle à Roanne ?
En fait, je vis à Roanne et j’interviens souvent ici, mais dans des « close-up », des évènements privés. J’adore ces moments-là d’ailleurs. J’aimerais beaucoup me produire sur la scène du Théâtre de Roanne par exemple. L’année prochaine peut-être…
Quelle est ta notoriété dans le métier ?
Je ne cherche pas vraiment la notoriété à outrance. C’est vrai qu’au lendemain du festival d’Avignon, j’avais déjà 20 dates signées, et l’effet boule de neige est très agréable. Mais je veux juste me faire plaisir en faisant les choses bien et en voyant les gens être bluffés.
As-tu une idole ?
On se connaît tous entre magiciens, et il y en a plein que j’apprécie beaucoup dans une discipline en particulier. Quant à dire que j’ai une idole… non, pas vraiment. Disons qu’il y en a une dizaine que je trouve au-dessus du lot. De la même façon que j’aime surprendre mon public, j’aime l’être aussi. Et entre magiciens, on arrive encore à se surprendre.
Qu’aurais tu fait si tu n’avais pas pu exercer ce métier ?
De la communication ou du marketing, très certainement. Avec un ami vidéaste, on a d’ailleurs créé « Magic VDO », pour proposer aux entreprises une publicité… magique : une vidéo promotionnelle sur mesure qui allie tours de magie et mise en scène professionnelle. Le produit plaît beaucoup car il est à la fois original et convaincant. Je peux ainsi me diversifier, tout en restant dans l’univers de la magie. Parce que ce qui me plaît, définitivement, c’est de vendre du rêve et de rendre possible l’impossible.