Délégation Loire Forez
« Seules, nous sommes invisibles,
ensemble nous sommes invincibles »
D’ailleurs… doit-on écrire femmes «chefs» ou «cheffes» d’entreprises ? Choisit-on le terme épicène, celui dont la forme ne varie pas selon le genre, ou la féminisation des noms de métiers historiquement réservés aux hommes, enfin reconnue par les gardiens de notre langue, comme un droit concédé à l’évolution de la société? Car, même si l’Académie Française reste un Boy’s Club difficile à rafraîchir, force est de constater qu’il y a de plus en plus de femmes entrepreneures («entrepreneuses» n’a pas été retenu), docteures,auteures, procureures, colonelles… La gestation de la linguistique paritaire se fait dans la douleur, et les difficultés, ou injustices, perdurent. La forme«cheffe» a certes les faveurs de l’usage, mais «chef» doit rester invariable lorsqu’il est adverbe. Ainsi, je ne suis pas rédactrice en cheffe, mais rédactrice en chef. Et en 2022, 10 rédactrices en chef seront toujours grammaticalement inférieures à un seul rédacteur en chef. Pour nos enfants, qui apprennent encore aujourd’hui à faire fi du féminin parce que le masculin l’emporte, la structuration d’une pensée égalitaire n’est pas gagnée.
Le 21 avril 1944, Yvonne-Edmond Foinant, maître de forge, obtient, comme toutes les autres françaises, le droit de vote politique et d’éligibilité. Comme toutes les autres femmes cheffes (je me permets…) d’entreprises, il lui est difficile de se faire admettre dans les groupements professionnels et à entrer dans les fonctions officielles. Qu’à cela ne tienne. Elle crée en 1945 l’association « Les Femmes Chefs d’Entreprises», avec pour vocation« d’inciter la prise de responsabilité des femmes dans les mandats patronaux, d’informer et former ses membres, de promouvoir la solidarité, l’amitié et le partage d’expérience au travers de liens privilégiés». Dans la foulée, elle est élue à la Chambre de Commerce de Paris, puis en 1947 au Comité Directeur du CNPF (ancien MEDEF) et entre en 1957 au Conseil Economique et Social. Cette pionnière dans la participation des femmes à la gouvernance économique joue tout le reste de sa vie un rôle prépondérant dans la création de réseaux et d’associations de femmes chefs d’entreprises en France et dans le monde.
Aujourd’hui présidé par Carine Rouvier, le réseau FCE France maille le territoire d’une soixantaine de délégations, chacune d’entre elles étant constituée sur un département à partir de 15 membres. Des membres très actives. Ce n’est pas pour rien qu’elles ont choisi pour emblème l’entremêlement des ailes de Mercure (représentation du commerce, de l’industrie et des arts), du serpent (symbole de renaissance perpétuelle, de force, de santé et d’espoir de vie) et du Bâton d’Esculape, qui rappelle la fonction de commandement. Toutes déterminées à faire des FCE un acteur économique incontournable au niveau local, régional et national, ces Femmes Cheffes (faisons-nous plaisir) d’Entreprises sont un exemple de sororité, ou solidarité entre femmes, et d’empowerment face aux angles morts de la parité. Nous avons rencontré l’une d’elles, Béatrice Brunel, présidente de la jeune délégation Loire-Forez. Elle nous raconte
l’épopée moderne et inclusive, de l’entreprenariat au féminin.
Bonjour Béatrice. Vous êtes la Présidente de «Femmes Chefs d’Entreprises Loire-Forez». Qu’est-ce qui vous a amenée à la création de cette délégation?
-Nous étions 4 femmes entrepreneures du Forez à faire partie depuis plusieurs années de la délégation de Roanne, fondée elle en 1994. Nous avonssouhaité recréer cette dynamique sur notre territoire, tout simplement pour nous en rapprocher. Nous avons mis 1 an à préparer sa mise en œuvre, et la délégation Loire-Forez est née le 26 novembre dernier. Quand je dis «nous», il s’agit de Sylvie Labrosse (O’Lodge à Cleppé), vice-présidente, Andrée Aspin (Mon-Habitat.com à Feurs), trésorière, et Anne Jouanjan (Doitrand Service à Grezolles), secrétaire. Et 11 autres membres…
Et vous…
-Et moi, oui, Béatrice Brunel, gérante à Feurs de «Gestiel», une entreprise spécialisée en accompagnement des dirigeants de TPE-membre du réseau Rivalis. J’ai travaillé durant 20 ans dans le secteur bancaire, auprès des petites structures. J’ai vu trop de gens échouer à cause d’une mauvaise gestion. Jeme suis dit qu’il y avait des choses à faire pour eux,et je me suis lancée dans l’entreprenariat en devenant co-pilote d’entreprises. Et je ne regrette absolument pas! Il faut oser. Il est d’ailleurs prouvé que nous les femmes, sans vouloir nous mettre en compétition avec les hommes, pérennisons davantage nos entreprises.
C’est un des objectifs du réseau FCE, de donner aux femmes l’envie de se lancer dans l’entreprenariat?
-Oui, c’en est un. Il y a une vision commune à tous les FCE, et faire en sorte que les femmes «osent oser» en fait partie. Pour cela, il faut faire connaître le rôle majeur joué par les femmes chefs d’entreprises dans la vie économique et sociale. Cela passe par des interventions auprès des lycéens(nes), des congrès, des conférences, des conseils apportés aux futures créatrices, etc. Les femmes représentent aujourd’hui environ 40% de l’entreprenariat français, et il faut nous rendre plus visibles. Chaque FCE peut prendre des mandats dans la vie économique au niveau local, régional et national, et ainsi favoriser une juste place des femmes dans les gouvernances.
Pourquoi faire partie du réseau FCE?
– Justement pour une meilleure représentativité des femmes dans le domaine économique. Le réseau FCE, c’est une entraide, des échanges d’informations, du partage d’expériences, des interactions et une grande compréhension mutuelle. Nous parlons de nos problématiques et cherchons ensemble des solutions, via du développement personnel et professionnel. Nous les femmes avons souvent plusieurs vies à mener de front, avec un haut niveau d’exigence. Avoir un espace privilégié où nous solidariser est très important, quel que soit notre domaine d’activité. Notre groupe du FCE Loire-Forez-nous sommes 15 actuellement- est très hétéroclite : agriculture, commerce, tourisme,immobilier, industrie… Plus il sera riche et plus il sera porteur d’ouverture. Car il s’agit d’un lieu de réflexion, d’écoute et de partages.
Que faites-vous, ensemble, concrètement?
– Nous nous réunissons une fois par mois. Après un temps d’échange informel sur notre état du moment, notre actualité, nos problèmes, nos réussites… nous abordons un thème établi à l’avance, avec ou sans intervenant. En mai, par exemple, nous avons prévu de parler cybersécurité. Nous pouvons aussi visiter des entreprises, rencontrer les membres d’autres délégations FCE ou d’autres organismes étrangers ayant la même vocation, participer aux Trophées des Femmes de l’Economie (qui mettent en lumière l’entrepreneuriat féminin au cœur des régions), aux opérations de l’association «100000 entrepreneurs», qui diffuse l’esprit et la culture d’entreprendre auprès des jeunes de 13 à 25 ans, etc. L’important est que ces temps d’échanges soient conviviaux, et qu’ils nous évitent d’être seules face à nos problématiques.
Nous sommes en pleine sororité, la fameuse solidarité qui doit s’inscrire dans l’histoire des femmes!
Que faut-il pour vous rejoindre?
-Être une femme. Et être une femme entrepreneure de fait et de droit, c’est-à-dire qui gère son entre-prise et qui est financièrement responsable.Ensuite, il faut envoyer un mail via le site www.fcefrance.com. Nous rencontrons la « postulante » et son adhésion doit être validée par l’ensemble du groupe. Il ne doit donc pas y avoir de litige existant entre cette personne et un membre de la délégation. Il faut avoir envie de partager et faire preuve de bienveillance. Pour le reste, peu importe la taille de l’entreprise, son CA, son ancienneté ou son domaine d’activité. Nous sommes riches de nos différences, qui permettent d’apporter un autre regard sur le métier d’entrepreneure. Certaines ont un parcours totale-ment atypique, d’autres plus conventionnel. Quoiqu’il en soit, nos membres se sentent bien ensemble,et il y a de formidables amitiés qui naissent.
Que conseilleriez-vous aux femmes porteuses de projet?
– D’oser! Nous ne sommes pas des «surfemmes», mais des femmes qui osons. Être femme ne doit pas,ne doit plus, être un handicap pour être partie prenante dans l’aventure entrepreneuriale. Nous avons un rôle à jouer dans la reprise de l’économie.Et ce n’est pas un second rôle, encore moins de la figuration. Il faut que nous prenions conscience de notre valeur, de nos valeurs, et de notre potentiel.
contact@fcefrance.com
Tél. : 06 40 66 09 89
www.fcefrance.com