Economie circulaire et insertion
Biotope de la seconde chance
Les objets, qu’ils soient de légende ou du quotidien, ont une histoire. Dont ils portent, inconsciemment sûrement, les stigmates. On ne peut pas demander, sans l’intervention d’une force extérieure, à une théière sans âge de dissoudre le tanin qui la colore, et l’honore. Même si elle n’a probablement retenu aucun des secrets qu’elle a entendus à chaque fois que son heure était venue. La lourde armoire dont personne ne veut, elle aussi en a vu défiler. Des trousseaux de mariage, des cols amidonnés, des lettres accablantes planquées entre deux jupons froissés. Et combien de visages, ingrats ou admirés, se sont reflétés dans ce miroir piqué? Combien de bouches festives ou mélancoliques se sont attardées sur cette coupe ouvragée, seule rescapée peut-être des agapes du passé?
Les femmes et les hommes, qu’ils soient de légende ou d’une honorable banalité, ont une histoire. Dont ils portent, consciemment parfois, les stigmates. Lourde ou légère, accidentée ou apparemment sans encombre, autodéterminée ou subie, et bien souvent tout à la fois, l’individualité n’est jamais facile à porter. Même pour un imbécile heureux, une cloche, un crétin, des Alpes ou du Valais. Nous avons certes tous à nous trimballer une croix, un fardeau, que la chance ou la confiance allègent dans certains cas, que la loi des séries ou la précarité alourdit dans d’autres. La seconde chance doit alors être davantage qu’une théorie, quand la première a failli.
A Roanne, la ressourcerie ACORA, habilitée Atelier Chantier d’Insertion, vient en aide depuis 2009 aux personnes en difficultés socioprofessionnelles orientées par un prescripteur (Pôle Emploi, Mission Locale, Cap Emploi, etc.), et selon des critères sociaux déterminés par la réglementation.
Axée sur la collecte, le recyclage, le réemploi, la valorisation et la revente des objets encombrants inusités, l’association œuvre tout autant contre la surconsommation que contre la détresse et/ou précarité humaine. Au programme donc de cette fourmilière à but non lucratif : sensibiliser à l’environnement et développer les solidarités. De quoi, il est vrai, donner la jaunisse à la plupart de nos gouvernants, qu’ils soient énarques, monarques, oligarques ou peut-être d’autres trucs en «arque». Parce que oui, face à l’impasse du néolibéralisme et à la catastrophe tant écologique que sociale qui en résulte, ACORA est une pierre apportée à l’édifice de la révolution par l’éthique, qui sera citoyenne ou ne sera pas. Une action commune pour donner aux objets, aux femmes, aux hommes de notre ville la seconde chance qu’il faut au monde entier.




Historique de l’aventure roannaise
Le réseau national des ressourceries et recycleries a vu le jour en l’an 2000 et regroupe aujourd’hui 190 adhérents. Parmi les pionniers : les Ateliers de la Bergerette de Beauvais, dont les balbutiements remontent aux années 80, alors que les préoccupations écologiques commencent à apparaître dans les débats de société. Les objectifs de ce réseau, à la fois élémentaires et ambitieux : créer une synergie citoyenne de compétences et de moyens pour la professionnalisation, la formation et la représentation du réemploi solidaire, mais aussi sensibiliser à l’environnement et à la réduction des déchets. A Roanne, l’impulsion pour la création d’une ressourcerie est donnée à la fin des années 2000 par l’association Cause Commune, initialement créée en 1984 pour soutenir les projets sociaux et culturels de la ville, et dont le champ d’activités s’est par la suite étendu à la gestion des contrats aidés.
Le projet, localement très novateur, s’accompagne d’une réflexion sur l’accession des femmes à l’insertion sociale. C’est donc en toute mixité que naît en 2009 l’association ACORA, l’Atelier Créatif Originaire du Roannais Axé sur le développement local intégré. Qui a d’ailleurs un homonyme andin dont il partage quelques séquences ADN: un marché de troc installé au bord du lac Titicaca. La grande aventure de la ressourcerie commence donc, portée pendant 5 ans par Cause Commune. Son but est de trouver une seconde vie, par le réemploi ou le recyclage, aux objets dont on ne veut plus, tout en créant une activité économique et des emplois pérennes dont les femmes ne sont pas exclues. ACORA a dû acquérir son autonomie financière et traverser quelques périodes houleuses mais a pu, au fil du temps, compter sur ses salariés, dont sa directrice Hélène Alimi et sa co-directrice Anne-Laurence Ferrero, son conseil d’administration, dont son président Robert Trambouze, avec un Z comme Zorro, ses bénévoles, ses 2353 adhérents/usagers et ses partenaires institutionnels (DIRECCTE UD 42, ADEME, Région AuRA, Etat).

Fonctionnement de la ressourcerie
Organisée comme une véritable entreprise, ACORA dispose de vastes locaux, non loin du Renaison, divisés en entrepôt, zone de tri, atelier bois, atelier textile, surface de vente et bureaux. Au total, 36 salariés se partagent la tâche vertueuse, dont 29 en insertion, 4 au pôle administratif et 3 au pôle encadrement. Les ressourciers et ressourcières sont chargés de la collecte des objets ayant une filière de recyclage et issus d’apports volontaires, de collecte chez les particuliers (sur devis) ou dans les entreprises, de débarrassage de logements laissés vacants (marché public OPHEOR) ou de déménagements sociaux (sur devis). Tout est pesé à l’arrivée, la traçabilité de chaque apport étant obligatoire afin de mesurer l’impact de la ressourcerie, ainsi qu’à la sortie, que l’objet soit vendu ou démantelé puis envoyé vers les filières de recyclage. Une fois le tri effectué, les apports sont soit vendus en l’état, soit surcyclés dans les ateliers (travail du bois, tapisserie, couture…) par les ressourciers/ressourcières. Les créations, sorties de leur imagination, sont ensuite proposées à la vente en boutique. Remis à neuf, transformés, modernisés, détournés parfois, valorisés toujours, les objets échappent à l’enfouissement et à l’oubli. En 2021, sur 201 T d’encombrants collectés, 190 T ont été valorisées, contre 5% seulement de déchets « ultimes ». Remis dans le circuit de la consommation courante, ils s’inscrivent dans une démarche de décroissance et favorisent par le revenu d’une vente équitable l’emploi de personnes en difficulté sociale et professionnelle. La boucle est bouclée et, tandis que « les encombrants des uns font le bonheur des autres », 65% des salariés en insertion pendant 24 mois effectuent une sortie dite « dynamique », enchaînant sur un emploi durable ou de transition, une formation ou encore l’accès à la retraite. Comme dans toutes les ressourceries, priorité est donnée à la personne humaine, à l’environnement et à l’emploi local.


Une économie circulaire et solidaire
L’une des principales sources de revenus de l’association est la vente en boutique des créations ACORA, entièrement fabriquées et relookées dans les ateliers (mobilier, linge de maison, bijoux, décoration, alternatives au plastique et au jetable, etc.), ou de produits de seconde main (vaisselle, livres, disques, meubles, outillage, électroménager, mercerie, textiles, etc.). Seule condition pour profiter de tout ce bonheur, et du Click&Collect qui l’accompagne depuis quelques mois : s’acquitter d’une adhésion à l’association lors du 1er achat (1€ par année civile). Si la boutique est ouverte du lundi au vendredi (voir horaires), ACORA organise également 6 grandes ventes annuelles et participe à diverses manifestations organisées dans la région roannaise (Semaine du développement durable, Semaine européenne de réduction des déchets…). Les prestations mises en place participent également d’un chiffre d’affaires en constante évolution (débarras et déménagements sociaux). Les 4 R de l’économie circulaire (Réduire à la source, Réutiliser, Reconcevoir et Recycler) jalonnent le suivi individualisé de chaque salarié qui lui-même retrouve un statut décent. La primauté des personnes sur le capital dans la répartition des revenus issus du travail fait d’ACORA, comme de toutes les ressourceries, un haut-lieu de l’emploi solidaire, et non pas lucratif. De plus, et au quotidien, chacun œuvre pour sensibiliser au développement durable et à la promotion de comportements écocitoyens. Agir pour l’environnement, développer une économie solidaire et coopérer dans la transparence sont les piliers de la charte des ressourceries du réseau national. Puisse-t-elle servir un jour, mais pas trop tard, de modèle à ceux qui se présentent comme tels.
Boutique ouverte le lundi de 14h à 18h30, du mardi au vendredi de 9h30 à 12h et de 14h à 18h30

36 impasse Fontval, 42300 Roanne
04 77 44 68 40
www.ressourcerie-acora42.com