Atelier de confection textile responsable
La mutinerie du Made in Loire
Ah…. Le plaisir d’acheter compulsivement la mode à petit prix, celle de «plus t’en mets, plus t’en as», quelle idée de génie ! Se rendre compte, parce que nous le valons bien, que ce bonheur nous va si bien… Se tartiner chaque jour du délice d’en avoir plein nos armoires, puis se faire, encore, un caprice à deux, rajouter une couche de chiffons asiatiques, se sentir joli (e), voire pire, avant que d’envoyer cramer nos rebus en Afrique. La vie est une question de priorité, et après tout, qu’en a-t-on à faire de l’enfer du décor ? «Juste fais-le», qu’ils nous disent, et on verra plus tard comment donner au monde l’énergie d’être meilleur. Il doit bien exister une sorte de géant vert, qui répare et qui remplace, et qui n’opposera pas un « c’est pas écrit la poste ici » à nos doléances d’enfants gâtés-pourris. Ah oui ?? 130 milliards de vêtements vendus chaque année dans le monde, des émissions de gaz à effet de serre collo-sales (10% des émissions mondiales, estimées à 26% en 2050), l’équivalent d’une benne de vêtements jetés chaque seconde, des fibres synthétiques provenant à 70% du pétrole, 1 million d’emplois dans le monde (combien dans des conditions inhumaines ?), des microfibres plastiques sur nos pores délicats, relâchées à chaque lavage dans la nature et les océans, du coton élevé aux pesticides, des moutons qui se font manger la laine sur le dos, traités pire que des Ouighours, des quantités d’eau astronomiques utilisées de préférence dans des régions où les bouches se craquellent d’avoir tellement soif, etc., etc., etc. Bref. Le géant vert va morfler.


Et les règles, on en parle des règles ? Ce drôle de liquide bleu qui indique aux femmes avatar du monde entier que Michel est en ville, que les anglais ont débarqué, ou qu’elles vont pouvoir sauter gaiement sur un trampoline puis gambader partout en chantant le bonheur d’être libres. Là encore, allons-y toutes voiles dehors, la planète n’a pas plus d’importance que les corps féminins : en France, plus de 2 milliards de protections menstruelles jetables se retrouvent chaque année dans la machine bien huilée de la pollution environnementale, tandis que le cortège funèbre des phtalates, glyphosates, BPA, BPS, dioxines et autres additifs pétrochimiques fréquentent sans restriction nos muqueuses. Mais alors, que peut-on faire ?
C’est vrai. Il n’est pas juste de nous faire croire que l’avenir de la planète repose sur nos individualités, puisque seule une décroissance mondiale et imposée, pour laquelle nos dirigeants n’ont aucune vocation, pourrait peut-être nous éviter le pire. Tant que les états ne feront pas du respect de la vie une urgence absolue, trier nos pots de yaourts ou renoncer aux bains sera utile certes, mais loin d’être suffisant. Il existe cependant des voies de résistance aux aberrations écologiques et sociales qui, si nous les empruntons, feront de nous autre chose que des complices abrutis. Kraft Cie en est une. Installé à Neulise, cet atelier de confection responsable fait perdurer la production locale de textile bio et éthique, via ses propres marques d’une part (Blouses et Tabliers, Kraft Cie, Ma Petite Culotte Noire), une marque blanche d’autre part, dédiée aux vêtements professionnels. Sans alourdir la note ni faire du Made In France une chasse-gardée pour bourgeois-bohêmes.

Naissance d’un projet éthique
Karine Peyre de Fabrègues est originaire de Lyon. Elle est costumière, designer et modéliste. En 2006, et déjà plus attirée par les vêtements qui ont du sens que par la mode, elle crée «Blouses et Tabliers», une marque spécialisée dans la conception d’uniformes modernes pour écoliers. Très attachée à l’ancrage local de son projet, elle fait alors appel à l’atelier Macopat, basé à Neulise depuis 1983. Lorsque l’heure de la retraite sonne pour son fondateur, Karine décide d’en reprendre les rênes et d’en préserver les emplois. Nous sommes en 2017. Kraft Cie est née, qui entend proposer une conception textile bio et éthique, pour la marque «Blouses et Tabliers» ainsi que pour une marque blanche destinée aux professionnels. Afin de s’inscrire dans une logique de circuit court, Kraft Cie lance bientôt une boutique en ligne dédiée à la vente directe aux particuliers, de basiques du prêt-à-porter féminin (sweats, tee-shirts…) et, dès 2021, de protections et lingerie menstruelles sous la marque «Ma Petite Culotte Noire ». L’atelier, de 400m2 rénovés,
accueille suivant les périodes entre 16 et 20 couturières expérimentées, dont 2 contrôleuses qualité qualifiées. Un bureau d’étude créatif prépare en amont le travail de deux chaines de production qui intègrent le patronage, la coupe et la confection à partir de matières bio et sourcées au plus près de l’atelier. Une condition sine qua none pour vendre un Made in France, et Loire, à un prix juste. Car, c’est à souligner, un tee-shirt Kraft Cie coûte 25€ en prix public, un sweat col rond 49,9€. L’atelier devrait d’ailleurs bientôt communiquer, en toute transparence, sur des marges qui n’ont rien d’extravagant.


La marque blanche
En B to B, Kraft Cie accompagne les marques dans leur développement, ainsi que dans la création de leur collection, qu’il s’agisse de vêtements techniques, professionnels, de prêt-à-porter adulte ou enfant, ou encore de produits textiles d’ameublement. A la fois bureau d’études et atelier, l’entreprise neulisienne peut prendre en charge le développement, le modélisme, la gradation, le prototypage, suivre les têtes de série et la production en interne. Concernant les vêtements professionnels, dont la notion d’utilité est chère à Karine, ils font l’objet d’une personnalisation proche de la personnification (transferts, sérigraphie, broderie, ajout de poches, fils de couleur, etc.). Chaque article est unique et s’adapte aux contraintes et usages de chaque métier, en termes d’image ou de technicité (un plombier peut ainsi opter pour un tee-shirt long qui lui évitera d’exposer à la face du monde une chute de reins rarement pudique). La livraison se fait ensuite sans intermédiaire ni marge additionnelle.
Ma Petite Culotte Noire
Bien décidée à proposer des produits sains, de qualité et accessibles à tous (et toutes en l’occurrence), Kraft Cie a créé « Ma Petite Culotte Noire», une collection de culottes menstruelles et de protections hygiéniques lavables, dont même les pressions sont « nickel-free ». Fabriquées à Neulise en coton Bio (à l’exception de la membrane imperméable) dans le plus pur respect de notre santé et de l’environnement, certifiées Gots et/ou Oeko-tex 100, elles en finissent avec le jetable et proposent véritablement de nouvelles…règles. Toutes dans l’équipe ont testé, et approuvé, ces protections nouvelle génération qui n’introduisent aucun perturbateur endocrinien ni substances chimiques dans nos corps non recyclables. Les menstruations, encore synonymes d’impureté rituelle ou de honte à se coltiner dans bon nombre de sociétés, sont en passe, enfin, de ne plus être ni tabou ni polluantes. En petite culotte noire, les règles et autres ragnagnas, trucs ou coquelicots, relèvent la tête en toute légitimité, pour instaurer une fête du slip bien méritée. Exit, par pitié, le liquide bleu azur aseptisé, l’effroyable Dame Nature en costume de tweed vert ou les paillettes qui font croire à un syndrome pop-menstruel. Non, nous ce qu’on veut, bien au-delà du sang menstruel dans l’espace public, ce sont des produits sains, écologiques et adaptés aux femmes menstruées, qui, définitivement, ne sont pas des hommes comme les autres. Sans qu’on nous vende du rêve ou des envies de gravir l’Himalaya tous les 28 jours du mois. Les règles, ça fait mal, ça donne envie de chialer et, à la longue, ça coûte un bras. Alors, une protection lavable, bio et fabriquée à 2 pas de chez soi, c’est une consolation. Pour soi et pour la planète. Ma Petite Culotte Noire a d’ailleurs quelques projets pour lutter contre la précarité menstruelle et se rendre accessible, à prix coûtant, aux femmes nécessiteuses. Qui l’aime la suive …



ZA LES JACQUINS, 347 rue des amis de l’industrie,
42590 Neulise • 04 77 64 68 68
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