Le Grand Défi des Entreprises pour la Planète
Objets Médias en transition
Imaginez-vous jeter une grenouille vivante dans une marmite remplie d’eau chauffée à 50°. C’est vrai, l’image n’est pas plaisante, et nous vous souhaitons de ne pas vous en délecter. Notre amie amphibienne n’est pas non plus censée apprécier, et c’est mue par un puissant instinct de vie qu’elle devrait bondir hors ce bain torride, dans lequel nous ne supporterions pas de tremper le doigt. Imaginez en revanche la même marmite remplie d’eau froide. La grenouille, cette fois, devrait s’y ébattre tranquillement. A feu doux, la température monte progressivement, sans affolement batracien. Froggy s’alanguit. Pire, elle trouve la tiédeur agréable. Elle se fatigue sans s’en rendre compte et, lorsque la chaleur devient intense, s’adapte plutôt que de fuir. L’instant d’après, elle est cuite, passée de vie à trépas sans en avoir conscience ni avoir lutté pour sauver sa peau gluante. C’est la magie funeste de l’endormissement, l’efficacité redoutable de l’enfumage, l’abdication devant l’incurie. Cette fable des temps modernes, ou parabole animalière, nous est contée parmi d’autres leçons de vie par Olivier Clerc, écrivain essayiste, dans un ouvrage au titre éloquent: «La grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite». Mais qui, par l’ignorance de sa condition, nous apporte sur un plateau les sous entendus qu’il nous faut. Vous nous voyez venir, n’est-ce-pas, avec cette allégorie des œillères, et de cette pauvre Kermit qui se soumet sans broncher à une anesthésie mortifère? Car oui, nous y sommes tous plongés. Dans cette marmite d’eau saumâtre et frémissante. A nous dire, par le biais d’optimisme: non mais on va s’en sortir. Quelle formidable illusion cognitive, tout de même, que de se persuader qu’arrêter la viande le lundi compense l’empreinte carbone d’allers-retours en avion. C’est ainsi, la détérioration, environnementale, sociale, sanitaire, est lente, progressive, et endort notre conscience à grandes doses de consumérisme, de productivisme, de matérialisme. Et les grands Schtroumpfs de la planète bleue de réclamer, alors que la température monte, une « pause réglementaire européenne». Bref, si ça continue… va falloir que ça s’arrête. Car la politique éhontée du «jm’en balec» accélère l’évaporation de nos idéaux, et de notre vitalité.
L’entreprise costelloise Passot Innovation, fabricante et importatrice d’objets médias personnalisés, nage à priori à contrecourant de la décroissance attendue. A priori. Mais, l’habit ne faisant pas le moine, elle est devenue déléguée, puis ambassadrice du Grand Défi des Entreprises pour la Planète, une initiative d’ampleur nationale visant à booster la redirection écologique de l’économie française, en formulant 100 propositions compatibles avec les limites planétaires.
Nous avons rencontré Bertrand Passot, co-dirigeant de l’entreprise Passot Innovation, et Marie Thivoyon, graphiste/collaboratrice particulièrement engagée sur ce chemin de transformation. Ils nous ont raconté leur implication dans le Grand Défi, puis dans la Grande Diffusion d’une parole aussi fondamentale et intangible que peut l’être celle d’un évangile.
Bonjour à tous les deux. Pouvez-vous, avant toute chose, nous présenter en quelques mots l’entreprise Passot Innovation ?
Bertrand Passot : oui, elle a été fondée par mes parents en 1963 et est historiquement spécialisée dans la conception, la fabrication, l’importation et le marquage d’objets publicitaires ou de cadeaux d’affaires personnalisés communément appelés OBJETS MEDIAS. C’est une entreprise familiale que nous co-dirigeons aujourd’hui avec ma femme Cécile, mes frères Patrick et Philippe. Nous travaillons dans toute la France avec des agences de communication et des distributeurs indépendants. Nous avons un seul site de production au Coteau, déployé sur deux bâtiments, et employons 43 personnes pour un chiffre d’affaires annuel de 7,5 millions d’euros réalisé en évènementiel et, à hauteur de plus de 50%, en production.
Vous fabriquez donc vos objets ?
BP : pas tous, on ne peut pas encore échapper à l’importation, mais le marquage se fait in situ, en utilisant des techniques de pointe: sérigraphie, tampographie, gravure laser, transfert, quadridôme, quadrinumérique… Et nous fabriquons en effet tout ce qu’il nous est possible de fabriquer, puisque nous réunissons de multiples compétences dans nos ateliers, de la création de nos propres moules à l’injection plastique, en passant par le marquage, le conditionnement et toute la logistique d’acheminement.
Avant de participer à ce grand projet national, dont vous allez nous parler, diriez-vous que vous aviez une conscience environnementale éveillée ?
BP : cela fait longtemps, oui, que nous planchons en interne sur la réduction de notre impact écologique. Nous recyclons et trions depuis des années nos déchets, nous avons changé tout notre système d’éclairage ou utilisons par exemple l’encre la plus écoresponsable qui soit. Mais il reste des tas de choses à faire, et là est tout le sujet.
Qu’est-ce que Le Grand Défi des Entreprises pour la Planète ? Et par quel biais avez-vous été sélectionnés pour y prendre part ?
Marie Thivoyon : Le Grand Défi a été initié en 2021 par Virginie Raisson-Victor et Jérôme Cohen, tous deux déjà très engagés pour la sauvegarde de la planète, avec pour vocation d’accélérer la redirection écologique de l’économie française et de ses entreprises en formulant 100 propositions d’actions ambitieuses, réalistes et mesurables. Nous avons été contactés par courrier, comme 10 000 autres entreprises. Il s’est trouvé que cette initiative allait dans le sens de mes convictions, et que Bertrand était disposé à ce que nous puissions nous y impliquer. Car il s’agit d’une vraie implication ! Nous sommes donc devenus délégués de cet écosystème en avril 2022, parmi 174 structures représentatives de la diversité du tissu économique français, en termes de taille, de secteur d’activité, d’implantation géographique, etc.
Vous parliez de vraie implication… en quoi a-t-elle consisté ?
MT : nous nous sommes réunis à 6 reprises sur une période de 8 mois, lors de sessions de travail de 2 jours, un peu partout en France. Les premières rencontres ont consisté en une sorte d’acculturation auprès de divers experts ou scientifiques, afin que nous parvenions ensemble à un même niveau de connaissance. Après avoir tous pris conscience de l’urgence écologique, nous avons travaillé, par groupes, à la préparation d’une feuille de route pour quiconque souhaite rendre son entreprise compatible avec les limites planétaires.
Les fameuses 100 propositions…
MT : exactement. Certaines d’entre elles concernent les pouvoirs publics directement, d’autres les entreprises et chacune des briques de leur business model. Ou comment rendre plus vertueux notre production, notre outil de production, notre logistique, notre gouvernance, etc. Cette phase, appelée Grande Délibération, a permis de faire émerger une intelligence collective fertile, vivante et résiliente. Et, donc, 100 propositions pour diminuer notre impact sur le climat et la biodiversité et contribuer au changement positif de nos sociétés, tout en pérennisant l’activité de nos entreprises.
Et concrètement, comment se traduisent-elles pour vous ?
BP : nous intégrons dorénavant dans notre catalogue une gamme à forte valeur écoresponsable, avec de la bagagerie en matière alternative, des gobelets biocomposites ou encore des stylos issus de matières recyclées… L’idée est de passer du goodies à l’objet médias engagé et utile. Cela se fait progressivement, en utilisant des matières premières secondaires dans le processus de production, en travaillant sur le sourcing, en réalisant des analyses de cycle de vie de nos produits, en réduisant les emballages, en planifiant une trajectoire de décarbonation et de réduction d’impact sur la biodiversité, etc. Nous formons également tous nos salariés aux enjeux environnementaux, afin de les sensibiliser et de les impliquer dans la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie RSE.
Vous êtes donc en pleine transition?
MT : oui, ça donne du sens au travail réalisé. Et, après avoir été délégués du Grand Défi, nous sommes à présent ses ambassadeurs, car nous sommes rentrés dans la phase de Grande Diffusion. Dont le but est, clairement : que tout le monde s’y mette! Nous partons avec notre bâton de pèlerin pour que tous s’emparent des 100 propositions et accélèrent la transition. Nous avons la chance, à Passot Innovation, de ne pas pâtir de l’inertie d’un grand groupe et d’avoir une direction impliquée, alors donnons l’exemple. C’est maintenant ou jamais.
55 Bd Charles de Gaulle, 42120 Le Coteau
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