L’Espagne nous l’a ravi pendant 7 ans, soit un cycle de vie entier. Mais ne lui en gardons pas rigueur, car cet autre pays du jambon nous l’a rendu façonné pour animer notre ville. Et puis, soyons honnêtes, sa captivité a été passablement programmée et consentie.
Quand on part à Grenade, la vingtaine en bandoulière, un gyrophare de baroudeur en frontale et un mémoire à préparer, il y a tout de même de fortes chances d’en prendre pour perpète. Il faudrait avoir un destin monacal ou des envies de cloître pour ne pas succomber à l’Alhambra et ses trésors d’histoire, aux inventeurs de la chaleur de vivre et de la meilleure des soupes froides. Disons, donc, qu’il fallait s’y attendre.
D’autant plus qu’il n’a pas fait, là-bas, qu’apprendre à danser les Sevillanas, à manger à 15h, si tout va bien, des moules farcies de la taille d’un campagnol adulte, et à tutoyer tout le monde en traversant le mur du son. Il se trouve qu’il a aussi, en poursuivant son jeune chemin, trouvé sa voie .
La péninsule Ibérique a finalement gardé Julio Iglesias et Isabel Pantoja pour nous restituer Loïc Portier , un jeune homme de 33 ans qui a fait de Roanne la ville du court métrage d’animation, et des roannais des festivaliers prêts pour le tapis rouge.
Cet enfant du pays nous raconte son exil, son retour en fanfare et sa vie puissamment animée, avant d’entrainer pour la 8ème fois notre ville dans un tourbillon de projections du 20 au 26 mars 2017.
Loïc, au tout début du commencement de la genèse, qu’est ce qu’il y avait ?
Une passion pour le cinéma et un projet de fin d’études via le programme européen Erasmus. J’étais en fac de langues à Saint Etienne (espagnol, portugais, anglais), et je suis parti en 2005 à l’université de Grenade pour préparer mon mémoire de maîtrise.
Une fois là-bas, j’ai contacté les organisateurs du festival international du court métrage de la ville car à l’époque, beaucoup de films étaient sans sous titres ou alors sous titrés en anglais. Et comme je parlais plusieurs langues, j’ai réussi à me faire une place… Je suis un autodidacte, j’ai appris, beaucoup, et j’ai travaillé 4 ans en tant que producteur, 3 ans en tant que programmateur à Grenade. Tout en participant aussi à la programmation du festival « 3-D wire» de Ségovie-Madrid.
Je m’occupais surtout des films des continents américains et européens. Je suis toujours d’ailleurs co-responsable artistique de ces deux festivals.
Pourquoi être revenu à Roanne ?
J’ai fait le pari d’amener à Roanne une spécialisation avec du contenu, pour créer une dynamique de territoire.Je suis revenu en 2010, avec un formidable carnet d’adresses sous le bras, pour présenter un projet de festival de court-métrage animé.Le cinéma d’animation se porte très bien en France, le chômage n’existe pas dans ce domaine pluridisciplinaire. Il ne peut que se développer car il y a tout un tas de ramifications et de techniques à exploiter. Une ville de taille moyenne me paraissait idéale pour cette expérience du 7ème art animé. La ville m’a suivi, car je précise que toute une équipe travaille à mes côtés.
Pour la 1ère édition, nous avons eu 2500 visiteurs, et 12000 l’année dernière. En 8 ans, on a réussi à s’implanter et à avoir la reconnaissance de nos pairs. On fait le poids maintenant face aux grands festivals de Grenoble, Annecy ou Clermont.
Qui est sélectionnable ?
Des professionnels uniquement, venant de petits studios indépendants ou de grandes pointures comme Pixar. Je visionne environ 1500 films par an pour établir le programme. Cette année, 200 court-métrages seront en compétition, et, avec eux, 40 pays. Différents prix seront décernés : internationaux, nationaux, régionaux, du jury ou du public, un prix expérimental du jury, un prix jury jeune, etc. Le jury est constitué par des personnes venant du milieu créateur, des réalisateurs, directeurs, etc…dont je ne fais par partie bien sûr parce que j’ai un vrai devoir de neutralité. Je ne donne jamais mon avis à personne, même en cas de forte hésitation. J’obtiens maintenant des exclusivités nationales, mondiales, et l’impartialité est primordiale. Les prix remis à Roanne ont aujourd’hui une vraie valeur.
Et qu’est ce qui t’anime, toi ?
De créer de la curiosité tous les ans avec des films nouveaux, pour fidéliser notre public, de voyager, de profiter de toute cette diversité de genres et de techniques. Et puis, j’aime l’engouement provoqué par le festival, et tout ce qu’il génère autour de lui dans la ville. Il y aura cette année des expos au musée Déchelette ou à la médiathèque, des conférences et des rencontres avec les réalisateurs, des concerts, des séances pour les écoles, des rétrospectives et des films hors compétition pour présenter les nouveaux talents… Il y aura toujours notre caravane ambulante, qui va jusqu’à Charlieu ou Belmont, pour toucher un public qui ne se rend pas forcément en salle, avec des séances courtes gratuites. Elle se déplace d’ailleurs tout au long de l’année dans les établissements scolaires…pour susciter des vocations précoces ! Une option art visuel est maintenant proposée à Jean Puy, Carnot et Arago. Depuis, on sait que quelques uns sont partis en écoles d’animation. Ca me rend fier et je suis boulimique de toutes ces retombées en cascade. Je me dis que créer ce festival à Roanne était et reste cohérent. Tout prend de l’ampleur, les projets sont infinis. Je ne sais pas où on va aller, mais ce sera loin, c’est sûr.