Raphaël Magnacca : apiculteur et producteur de plantes médicinales

Les trésors antiques
A quoi ressemblerait la légende du roi Arthur si elle était écrite maintenant? La réalité du monde laisse-t-elle encore une place à l’inspiration féérique ? Pourrait-on aujourd’hui encore rêver la forêt de Brocéliande sans passer pour un dingue, un assembleur de nuées, un inadapté ou un Khmer Vert? Quel poids ont les Morgane, Viviane, Mélusine et autres sylphides face à la coupe du monde au Qatar, à la neige olympique 100% artificielle, aux nitrites à conserver pour un jambon tout rose, à l’esclavage induit par la fast fashion? Le poids d’une chimère, d’un rêve qui ne mène nulle part. Aujourd’hui, on rase 20 000 arbres pour une épreuve de ski alpin, on envoie au moins 6500 travailleurs au casse-pipe pour construire des stades qataris qui promettent, la belle affaire, une climatisation à ciel ouvert, tandis que l’agence européenne des produits chimiques introduit la voie à la réautorisation du
glyphosate dans l’Union en le déclarant formellement non cancérogène et que des chroniqueurs à 2 balles se bidonnent comme des clés à molette devant la version réelle de Leonardo Di Caprio luttant contre leur déni cosmique.
Pendant ce temps-là, entendez-vous les imbéciles heureux déclamer leurs « ah bah vu comme ça caille ce matin, faut pas me parler de réchauffement climatique», «les arbres et les vaches qui pètent polluent plus que les bagnoles », ou encore le très fameux « déjà en 1911 il faisait 38 à Lyon, donc bon… ». Alors que Pierre Rabhi doit déjà se retourner dans sa tombe et qu’Aurélien Barrau appelle à une révolution écologique, tout en sachant que lorsque son jour viendra, il ne trouvera même plus de pissenlits à manger par la racine, les lobbys continuent d’œuvrer tranquillement pour la destruction de la planète et on exploite toujours plus la souffrance animale dans l’élevage intensif. Du coup, c’est vrai, les vaches pètent et sont malades de la folie des hommes. Mais bon, tant qu’on peut envoyer nos déchets s’amonceler en Afrique et qu’il reste assez d’eau pour arroser le bitume…
C’est certain, trouver dans ces conditions un endroit préservé des scandales humains et écologiques est une porte ouverte sur l’espoir, la résilience, la magie presque. Le territoire de Les Fées des Herbes, à SaintJust-en-Bas, est comme un souvenir de ce que le monde a été, un rappel essentiel de l’unique solution pour ne pas entendre nos enfants nous dire, jour après jour, «how dare you?»(le « comment osez-vous» de Greta Thunberg). Sans attendre qu’une instance suprême annonce à Bernard Arnaud qu’il doit passer à 2t CO2eq/an, Raphaël Magnacca dessine des fées et nous parle de la poésie des plantes. Il est happyculteur, producteur/cueilleur de plantes médicinales et aromatiques (et dessinateur donc !), sur une terre modeste où de nouvelles légendes pourraient prendre leur source. Son univers merveilleux, fait de sauge, d’angélique, d’ortie et de mauve autant que de créatures ailées, rampantes oudouées pour picorer, diffuse un état d’esprit, un art de vivre qui pourrait nous sauver. Tandis qu’infusent ses plantes divines, cueillies avec gratitude, dans le respect des lieux. Alors oui, s’il ne doit y avoir qu’un Dieu, que ce soit une déesse: la nature qui, seule, nous donne les clés de la compréhension du monde.


Une logique d’autonomie
Raphaël Magnacca, natif de Haute-Savoie, n’a dans son enfance aucunement baigné dans le monde agricole, ni même rural. Ce qui ne l’a pas empêché de développer un vif intérêt pour l’environnement et la nature. Après des études dans le domaine du développement durable et un mémoire consacré à la permaculture, il occupe pendant 8 années un poste d’encadrant maraîcher dans un jardin de Cocagne, à vocation d’insertion sociale et professionnelle. Parallèlement, il s’installe avec sa compagne dans une ancienne ferme à rénover à Saint-Just-en-Bas, où il commence à « bricoler quelques trucs», tant en terme de rénovations que de production personnelle. Les ruches font leur apparition, et, avec elles, l’envie de ramener sa fraise dans une logique d’autonomie. Raphaël décide alors de créer sa propre exploitation de plantes médicinales. Il s’inscrit en 2013 à l’Ecole Lyonnaise des Plantes Médicinales et des Savoirs Naturels afin de formaliser et de compléter ses connaissances en herboristerie. Il y apprend, sur 3 ans, la phytothérapie qui respecte les rythmes du corps et les cycles de la nature. En 2014, il crée Les Fées des Herbes et officialise ainsi ses premières plantations. Quelques 8 ans plus tard, il dispose de 1000m2 de culture autour de son habitation, de 100 ruches, et d’extraordinaires stations de cueillettes sauvages dans un environnement immédiat très riche. Le tout en bio et en alliance profonde avec le monde végétal. Ses produits, dont nous allons vous parler, sont vendus dans les boutiques locales (comme La Luciole Forézienne à Boën, Côté Bio au Coteau, Le Comptoir de Campagne de Champdieu et Les Comptoirs de la Bio à Villerest …), les Offices de Tourisme ou les lieux touristiques (Château de Goutelas, Abbaye de Charlieu…), ou durant les manifestations du terroir (marchés de Noël de Montbrison, la Médiévale de Chalmazel, le festival du Col de la Loge…). Raphaël a également un projet de boutique jouxtant son jardin, qu’il souhaite aménager dans l’actuelle grange de son lieu de vie au noble potentiel.


Silence, ça pousse
D’avril à octobre, Raphaël et ses abeilles sont en pleine période de production. Sa centaine de ruches, conduites en bio, sont amenées dans des zones de butinage disposant d’un environnement naturel très présent, entre plaines, coteaux et Monts du Forez. Les altitudes très différentes donnent d’ailleurs une gamme de miels variée (acacia, sapin, bruyère, châtaignier…). Concernant les plantes médicinales, Raphaël cultive sur place une trentaine de variétés: verveine, bourrache, calendula, passiflore (originaire du Brésil et appelée par les premiers colons, qui voyaient en sa fleur la représentation des différentes étapes de la vie du Christ: «fruit de la passion du Christ»), basilics (dont le basilic sacré très utilisé dans la médecine ayurvédique), mélisse, bouillon blanc, etc.
Sans angoisses autres que celles liées au travail de la transformation car ces variétés sont très résistantes aux maladies et ne demandent pas mieux que de pousser protégées par les mauvaises herbes. Il n’arrose pas, se sert du paillage pour conserver l’humidité et met en application les principes de la permaculture, s’inspirant de la nature qui n’a recours ni aux engrais ni aux insecticides. Quant aux autres plantes, il les prélève sans massacre dans des stations sauvages répertoriées en bio avec des contrôleurs. Des stations qu’il entretient et respecte pour qu’elles le lui rendent bien: bruyère, reine des prés, aspérule odorante, achillée millefeuille (qui n’a rien d’un gâteau), primevère ou coucou (qui fleurit lorsque le coucou chante), etc. La panacée de ces cueillettes indomptées reste l’ortie, dont il utilise les mille vertus dans la plupart de ses mélanges.

Tisanes et plus si affinités
Viennent ensuite les étapes du séchage, dans un séchoir que Raphaël a fabriqué lui-même, puis de la transformation et, enfin, de la commercialisation de ses préparations. Il propose du miel bien sûr, des tisanes, aussi prisées pour leur goût que pour leurs effets bienfaiteurs, et dont les noms parlent d’eux-mêmes: Energie et Vitalité, Rayon de Soleil, Les Fées Zen, Coups de Froid, La Symphonie Digestive, Maman et Bébé, etc. De savants mélanges qui nous préservent, nous équilibrent, nous apaisent, nous stimulent ou nous envoient dans les étoiles. Framboisier, sureau, hysope, lotier cornulé, guimauve, bleuet… se retrouvent harmonieusement conjugués dans des potions de fées que la nature nous offre. Raphaël prépare également un redoutable sirop «Calm’Tou» (origan, coquelicot, serpolet, guimauve…), des mélanges de plantes pour la cuisine (Déco’Fleurs, Herbes du Forez…), un vinaigre Fleurs de Ciboulette tout « rose bonbon », des sirops gourmands (agastache, menthe, mélisse, sureau…), des liqueurs aux plantes « Les Petites Gouttes du Bosquet Enchanté », soit un concentré de féerie à la rencontre de plantes aux évocations légendaires, populaires ou mystiques et pour finir des sels aux plantes déclinés selon les 4 éléments, qui ont reçu la médaille d’argent 2018 au concours des Produits Fermiers Innovants de la Loire.
Dans un registre plus pointu, Raphaël propose également des teintures mères alcoolature (macérations de plantes fraiches dans un mélange d’eau et d’alcool), et des extraits de bourgeons ou gemmothérapie, pour vous accompagner au quotidien en prévention, cure ou convalescence.




Le collectif Les Infusées
Raphaël fait partie de ce collectif majoritairement féminin et, pour une fois que le masculin s’efface, nous n’allons pas nous priver de vous en parler. Depuis 2014, l’ADDEAR de la Loire accompagne, en partenariat avec l’ARDAB et le lycée horticole de Montravel, un groupe de productrices-cueilleuses de plantes aromatiques et médicinales (PAM) et animatrices botaniques des Monts du Forez, de la
Madeleine, du Pilat, du Lyonnais et du Beaujolais.
Leur but est de proposer une gamme commune de plantes à l’éthique irréprochable, de miser sur le collectif pour structurer une filière PPAM locale et durable, de la production à la transformation et la transmission de savoirs et savoir-faire. Réunis par une approche agroécologique et paysanne, les membres des infusées se mobilisent pour l’accès à des plantes locales de qualité qui n’ont pas subi de procédés industriels. Ensemble, ils sont plus forts pour développer la viabilité de leur métier et permettre au client final de profiter en douceur de notre patrimoine floristique. Ils accueillent également des porteurs de projets pour assurer la transmission des savoir-faire et développer les emplois agricoles durables en moyenne montagne. La première fête des plantes aromatiques et médicinales organisée par le collectif, «Festisane», a eu lieu à Sail-sous-Couzan en 2018. La prochaine se tiendra à Saint-Martin-en-Haut en avril 2023. Elle réunira les productrices et producteurs membres des Infusées, dont Les Fées des Herbes, et nous donnera à voir un monde, le nôtre, que les grandes instances feraient bien de préserver.



LES FEES DES HERBES
347 Chemin de Bas 42990 Saint-Just-en-Bas
06 03 59 82 04