Nous avons patiemment attendu le temps béni des vendanges pour nous offrir un article sur de jeunes caciques du vin et de l’esprit de fête qui s’y rattache.
Cependant, lâcher l’équipe du Bruit Qui Court en plein cuvage, dans le berceau même de leur sacré breuvage, et aux côtés de passionnés doués pour le partage, était une entreprise risquée. Il a bien fallu, avouons le, notre sens immodéré de la modération et tout notre amour de la patrie, pour contrôler les dérapages d’un professionnalisme illimité. Nous avons donc consciencieusement levé le coude, la main sur le cœur et sur un air de Marseillaise, pour goûter aux fruits du travail des frères Pluchot.
Edgar et Marc-Antoine, installés à Saint-Alban-les-Eaux depuis 2005, sous l’étiquette « Le Retour aux Sources », valorisent prodigieusement notre côte roannaise en donnant à leur vin des lettres de noblesse, et à leur fin de récolte un air de liesse. Leurs « Vendanges Nocturnes », inaugurées pour le 10ème millésime, rassemblent chaque année davantage de monde, autour d’un spectacle grandiose, tout en sons, lumières, arômes et gaieté partagés. Puissiez-vous en être comme nous en serons…
Sur un air de jaja
Ces frères là ne sont pas nés dans le vin. C’est un hasard bien inspiré, et un goût prononcé pour les milieux épicuriens, qui les orientent sur le chemin des vignes. Car ils ne sont pas, non plus, nés dans l’eau. Edgar, 36 ans et une belle barbe, manque un peu d’inspiration une fois son bac en poche. Alors que son frère, Marc-Antoine, s’oriente vers le commerce, lui dépose plusieurs dossiers dans différentes écoles supérieures. Une place se libère en BTS viticulture et il la prend.Quel bol phénoménal puisque c’est ainsi que sa vocation lui tombe du ciel. En 3 jours, il est raide-dingue, tout feu tout flamme, perdu pour Volvic et Rosana. Il travaille comme un russe pour rattraper ses lacunes en chimie, obtient la mention bien et rentre dans le domaine viticole de Davayé dans le Mâconnais (Pouilly-fuissé et Saint-véran), dont il devient le responsable. Il acquiert de l’expérience mais le pays lui manque, et son frère aussi. Il revient donc dans le giron familial et travaille un temps en embouteillage, tout en continuant son activité de vigneron auprès de professionnels de la région.
Seulement voilà, il trépigne, car il a une idée en tête: casser l’image du «petit vin de côte roannaise», travailler les assemblages et rendre notre région attractive par ses vignobles. Son frère le rejoint dans cette folie douce et l’aventure commence en 2005 avec 2,25 hectares, sur les terres de leurs grands-parents Louis et Suzanne Robin, à Saint-Alban-les-Eaux. Au début, ils ne sont que « les illuminés voulant faire du vin pour les potes », les « 5% d’échecs auxquels ont
droit les banquiers pour création de dossiers sympas mais foireux ». D’ailleurs, pendant quelques temps, l’envie de tout transformer en champs de pissenlits est parfois présente. Car entre la grêle, les orages, le gel, les cerfs, les oiseaux, les sacrifices et les revers de médaille, l’ulcère et les tocs menacent. Mais les 2 frères s’épaulent à tour de rôle. La passion est là, les résultats aussi.
Ce sont 7,6 hectares qu’ils exploitent aujourd’hui, 45000 bouteilles qu’ils produisent, et de nombreux gaulois qu’ils réjouissent chaque année, dont les adeptes du restaurant « Le Petit Prince », pour lequel ils font une cuvée spéciale, ou les membres actifs du Bruit Qui Court, pour qui le sponsoring semble être la meilleure des solutions.
Magie du vin et vendanges nocturnes :
Car c’est ce que les frères Pluchot tendent à être : des magiciens du vin. Edgar garde tous ses cahiers depuis 2005 pour ne conserver que les meilleures techniques. Les produits œnologiques sont bannis, la chimie intervient selon les coups de froid, les coups de chaud, les assemblages, le temps de vinification, l’élevage ou non en fût de chêne, la connaissance du sol pour donner à la vigne ce dont elle a besoin… Ebourgeonner, effeuiller, relever, minorer le rendement pour que cette liane soit comprise, respectée, et se dévoile en bouteille.
Côté cépage : Chardonnay, Pinot gris, Sauvignon et Gamay. Les blancs sont fruités avec une notée sucrée en fin de bouche, ou moelleux et divins (ndlr). Les rouges peuvent être légers, ronds et complexes ou encore corsés, atypiques et providentiels (ndlr). Quant aux rosés, on les trouve fruités, sucrés, gourmands ou encore…pétillants et décidément fort agréables (ndlr). Et c’est directement sur le domaine du « Retour aux Sources », dans la boutique jouxtant le cuvage, que vous les trouverez.
Si les frères sont dans les vignes, ou tout à la construction de leur showroom de présentation ou de leur table d’orientation sur le toit, vous serez une récréation bienvenue et réconfortante. Car le partage et la convivialité sont au cœur de leur travail. Ils souhaiteraient obtenir un label oeno-tourisme et donner aux roannais l’occasion de visiter leur région. Ils ont organisé fin août un « ciné-vigne », ou comment le cinéma peut avoir la «côte…roannaise», autour du thème : C’était mieux avant…voyons voir. 3 jours de projections, bar éphémère, bal populaire, visites et contrôles qualité…
Fin septembre, la 4ème édition des « vendanges nocturnes » tiendra à nouveau éveillés les saint-albanais convertis à la Pluchocratie par quelques dégustations convaincantes. La date exacte n’est à ce jour pas connue car c’est la vigne qui décide.
Soyez sur les starting-blocks puisque cet évènement inter-générationnel est ouvert à tous, avec inscription préalable. Les vendanges tardives, extrêmement fédératrices et sans précédent en France, fêtent, en fanfare moderne, la fin de récolte du raisin, comme nos aïlleux le faisaient pour les foins ou le blé. 7000 w de son, des frontales pour tout le monde, de la pyrotechnie, de la joie, des vivats, des drones , des boules à facettes et de l’huile de coude…les élus suivent et la TV se déplace pour préparer la part des anges…
Edgar et Marc-Antoine ont donc réussi, au-delà de leur savoir-faire, à être des acteurs locaux dans notre région de fines bouches. Puisqu’ils ont du vif argent et du sang corsé dans les veines, ils ne peuvent être partis que pour rester. C’est quant à nous l’organisme chargé de vitamine C que nous avons quitté les vignes, prêts à redresser la tour de Pise, à repeupler la Lozère, et finalement confiants en l’avenir de la Corée du Nord. Le pied léger, la démarche aérienne, en dépit d’une jambe soudainement plus courte que l’autre, la vie au bord des lèvres et le palais soyeux. Car il n’est pas né, celui qui nous empêchera de consommer avec modération.
Plus d’infos :
www.le-retour-aux-sources.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.