Nous n’allons pas vous raconter l’histoire de Marty McFly, parti à bord d’une machine à voyager dans le passé ou le futur, ni d’un Frankenstein dépassé par sa création, ou d’un univers en miroir où le temps défilerait à l’envers.
Nous n’allons pas discuter son écoulement unidirectionnel et réveiller Newton, philosopher sur son irréversibilité récemment remise en cause par Les Visiteurs, déterminer, qui, du Big Bang, de l’Egypte, de la Chine, de la poule ou de l’œuf a inventé le temps et le moyen de le mesurer. Ce n’est pas aujourd’hui que vous allez savoir s’il existe vraiment ou s’il est né de notre observation intellectuelle. Le temps est une notion, un concept, cyclique, ou linéaire, qui, soyons clair, nous emmerde plus souvent qu’à son tour.
Fort heureusement, certains ont eu assez vite l’idée, histoire de faire passer la pilule rugueuse de notre mortalité, intimement liée à l’égrenage du temps, d’associer sa mesure à la prouesse mécanique puis à la beauté, voire au luxe qui, parfois seulement, ne font qu’un. Du cadran solaire au cadran de berger, du sablier au beffroi, du pendule oscillant à la première horloge, l’homme, aidé du déplacement quotidien de l’ombre, des saisons, des cycles lunaires, des constellations, des marées, et d’un esprit inventif incontestable, a toujours voulu…résoudre l’équation du temps ?
Pierre et Valentin Remontet, père et fils, de l’horlogerie éponyme à Renaison, font partie de ces virtuoses des aiguilles qui miniaturisent le mouvement du temps. Professionnels de la restauration et du métier d’art de l’horlogerie, ils ont décidé de créer Leur montre mécanique, estampillée « Remontet & fils », en série limitée à 25 exemplaires.
C’est leur histoire que nous vous racontons, ou la genèse d’une aventure audacieuse, transparente et intemporelle…dans le presque infiniment petit.
Le destin d’un nom
L’histoire familiale commence dans les vignes. Mais avec un nom pareil, les Remontet ne pouvaient pas en rester là. Et c’est le grand père de Valentin, Jean-Baptiste, qui, ne se découvrant aucune passion pour les bretelles ou la part des anges, ouvre la voie d’une destinée horlogère. Il fait son apprentissage à Roanne, avant d’être tristement déporté en Allemagne le 10 août 1944, année funeste parmi d’autres. Il y travaille un an comme horloger. A la libération, il s’installe à Lyon puis décide, en 1949, de créer sa boutique à Renaison. Il a 25 ans. Il a un fils, Pierre, qui bientôt passe le plus clair de son enfance auprès de ce père dont le métier le fascine. L’atelier regorge d’outils de toutes sortes dont il se sert pour réparer ses petites voitures. Adolescent, il donne la main en été, et découvre des gestes séculaires, délicats et apaisants, un métier plaisant, propre et multiple. Il fait ses études d’horlogerie à Morteau puis travaille quelques années chez un horloger et en station technique. En 1984, il crée son atelier de restauration d’horlogerie ancienne, toujours à Renaison. Il a 25 ans. Cinq ans plus tard, l’atelier du fils et la boutique du père sont regroupés en un même lieu. Puis vient Valentin, le petit fils. Tout d’abord passionné par la mécanique automobile, il en fait son premier choix d’études, pour finalement se rendre compte que ses besoins créatifs ne sont pas satisfaits. Il se tourne alors vers une mécanique d’orfèvre et suit les pas de son père à Morteau. Il obtient là le plus prestigieux niveau de qualification : le Diplôme des Métiers d’Art. A son tour professionnel de l’archet, du balancier et de la cage dentée, il travaille 5 ans en Suisse pour des grands noms de l’horlogerie, comme Tag Heuer ou Breguet. Sa créativité s’exprime mais les décisions financières et les codes du marketing le frustrent. A l’aube de ses 25 ans, il rêve d’une pièce exceptionnelle avec défi technique. En janvier 2017, lui et son père sortent les 1ers dessins d’une montre mécanique à complication. Ils ne le réalisent pas encore tout à fait mais la machine est lancée et le compte à rebours vers une finalité grandiose commencé.
Une montre à 25 exemplaires
Valentin revient dès lors tous les week-ends pour travailler avec Pierre sur ce qui devient un ancrage dans l’avenir. La première montre fonctionne dès le mois de Mars. La mécanique est visible et on peut observer le mouvement de la « seconde rétrograde », une complication horlogère, entièrement façonnée à la main, qui permet à l’aiguille des secondes, lorsqu’elle arrive à 60, de retourner instantanément à 0. Le mouvement rétrograde a donc lieu toutes les minutes. La 2ème montre, plus aboutie, est prête fin mai. En juin, et puisqu’il ne faut jamais reculer devant une pendule qui avance, ils mettent définitivement le doigt dans l’engrenage, et leur série est lancée. Valentin va avoir 25 ans en octobre et décide de quitter la Suisse pour rejoindre l’atelier de son père. 25 est, très clairement, un chiffre clé dans l’histoire familiale. C’est donc à 25 exemplaires que leur montre sortira. Le mois dernier, lorsque nous les rencontrons, 22 pièces ont déjà été pré-commandées. Elles seront livrées à Noël, soit un an après les premières ébauches…
« La logique d’industrialisation a poussé les grandes marques horlogères à s’axer sur le volume et à en oublier le compliqué. Ce sont des ingénieurs qui aujourd’hui font les montres, les horlogers ne sont plus là de la conception à la réalisation». Pierre et Valentin, s’ils ne veulent pas, bien sûr, concurrencer l’horlogerie suisse, ont une logique différente : revaloriser leur savoir faire, en s’attachant davantage au produit qu’à l’image marketée du produit, réaliser des montres uniques, comme ils le font déjà, ou réalisées en quantité très limitée. Et ils entendent bien, pour 2018, une fois leur première série livrée, partir sur une réalisation totalement différente.
Après « Le temps Suspendu » d’Hermès, ou la montre de l’impossible, « Remontet & Fils » signent là la montre de la seconde rétrograde, et donc du retour en arrière systématique ou du temps réversible. Toute en arcs de cercle et en esthétique, cette montre philosophe nous laisse croire, un peu, en la courbure du temps…
REMONTET – Horloger Père & Fils
83 Place du 11 Novembre – 42370 RENAISON
04 77 64 45 03