DES CHEVAUX SOUS LE CAPOT
Ah… Guy Lux et sa formule de toute éternité « le tiercé, c’est mon dada », Omar Shariff, monstre sacré des turfistes, et sa non moins célèbre «les courses, vous le savez, c’est ma grande passion », Léon Zitrone et ses coups bas à Pierrette Brès, pionnière, entre deux fous-rires, du journalisme hippique au féminin … C’était l’heure où tout s’arrêtait, même la digestion du poulet-frites dominical. L’heure où les hommes se transformaient, après avoir compulsivement perforé dans la matinée leur bordereau de tiercé dans un bar PMU, acronyme de Pari Mutuel Urbain, de quartier. L’heure où les femmes astiquaient la cuisine, pendant que des casaques bariolées montaient sur leurs grands chevaux dans un salon enfumé. Soudain, les Tornado, Crin Blanc, Pégase, Gélinotte et autres Sultan des Dunes reprenaient à l’homme une souveraineté bien méritée. Tandis qu’un ticket gagnant dans l’ordre faisait rêver nos patriarches endimanchés.


Depuis le 17 juin 1956, date de la première diffusion télévisée du tiercé, un pari hippique mis en place en 1954, un phénomène sociétal est en marche, qui en fait oublier la couleur du cheval blanc d’Henri IV qui, pour mémoire, était noir. Les courses hippiques ont cependant une histoire bien plus ancienne. Inventées en Angleterre, pour remédier, sûrement, aux longs dimanches sans pétanque, elles arrivent en France à la fin de l’Ancien Régime. L’élevage de chevaux s’en trouve encouragé dans les haras nationaux, qui, juste après l’entre-deux révolutionnaire, fournissent à Napoléon une excellente chair à canon. Heureux alors sont les plus rapides et résistants d’entre eux qui, au lieu de s’en aller guerroyer sans même prendre le mors aux dents, se laissent admirer par des nobles enchapeautés. Au galop, au trot, avec ou sans obstacles, les courses font le spectacle, et le « the place to be » de la bonne société. En 1936, les premières courses officielles de trot voient le jour sur les plages de la Manche. Et dans nos contrées? Avant 1857, rien, pas le début d’un round de présentation ou de Darie Boutboule dans la plaine du Forez. Considérée à l’époque comme malsaine, personne n’a la folle idée d’y élever des chevaux. Mais c’est sans compter Francisque Belaÿ et le jeune marquis de Poncins, deux passionnés qui, chacun de leur côté d’abord, main dans la main ensuite, passent à l’action. Commencent alors de grands travaux d’irrigation, l’assainissement des terres, le percement du canal du Forez, l’aménagement d’un réseau de fossés, etc. Et le goût des chevaux vient aux agriculteurs. Francisque Belaÿ et Emmanuel de Poncins, entraînant avec eux d’autres propriétaires terriens, créent en 1857 La Société d’Encouragement pour la Production et l’Elève des Chevaux dans le Département de la Loire. Ses détracteurs sont nombreux mais qu’importe, un terrain sablonneux de Civens lui est mis à disposition par la marquise de Vivens, riche comme Crésus et passionnée de chevaux : Stéphanie Félicité de Boubée. Le 13 septembre 1858 a lieu la première course de l’hippodrome de Civens. S’il résiste ensuite à deux guerres, il doit cependant laisser un successeur plus adapté voir le jour. En septembre 1925, le nouvel hippodrome du Parc, surnommé « Le Chantilly du Forez », est inauguré à Feurs, sur des terres également léguées par La Marquise de Vivens. Une piste de 1 325m, en herbe, qui prend la forme d’un 8 et accueille alors des courses dans 2 disciplines : le trot et le galop.

Nous confions la narration de son histoire contemporaine à ceux qui en parlent le mieux : Gérard Vacher, Daniel Duverger et Jean-Marc Richard, respectivement président, trésorier et délégué des partenaires du plus que centenaire hippodrome de Feurs. Bienvenue dans cette success-story qui, comme une folie douce, est un trait de génie.
Bonjour Messieurs. Vous avez fêté en 2007 les 150 ans d’existence de l’hippodrome. Quel bilan tirez-vous de son parcours?
Notre hippodrome est devenu un site d’envergure nationale, télévisé dans le monde entier, et le Forez est désormais la 2ème région d’élevage de trotteurs de France, juste après la Normandie ! C’est prodigieux car il y a 160 ans, rien ne l’y prédestinait. L’hippodrome de Feurs est aujourd’hui une vitrine départementale qui génère de nombreux emplois et attire un public hétéroclite et enthousiaste, qu’il soit turfiste, passionné, professionnel ou néophyte.
Comment un tel succès a-t-il été rendu possible?
Grâce aux fondateurs bien entendu, le marquis Emmanuel de Poncins et Francisque Belaÿ, puis au soutien indéfectible de la mairie de Feurs d’une part, de générations successives de bénévoles et partenaires d’autre part. La Société des Courses de Feurs est une association loi 1901 qui compte plus de 200 sociétaires et une centaine de partenaires qui peuvent acheter des courses. Cela représente pour nous tous énormément de travail bénévole car nous n’avons qu’une seule salariée, sans compter la centaine d’intérimaires employés pour chaque course. Mais nous sommes des passionnés et la reconnaissance de nos pairs est, en soi, une récompense.

Quels ont été les faits marquants depuis l’installation de l’hippodrome en plein centre de Feurs en 1925?
Les journées annuelles se sont multipliées au fil du temps, pour passer de 2 en 1925 à 9 aujourd’hui, et les infrastructures se sont modernisées par étapes. En 1989 notamment, un nouveau bâtiment a été inauguré, qui regroupe les tribunes, le restaurant panoramique, les balances et les vestiaires. En 1998, la piste en herbe, et des courses de galop, a disparu au profit de la nouvelle piste de trot. L’hippodrome s’est classé en 1ère catégorie en 2001, après la construction de nouveaux boxes et de stalles. Il peut depuis accueillir n’importe quelle course de trot.
Le trot est donc devenu sa spécificité?
Oui, l’hippodrome organise exclusivement des courses de trot, soit l’allure naturelle du cheval, à raison de 9 réunions annuelles: 6 en premium, ce qui signifie que vous pouvez parier dessus en ligne, à distance, et 3 en PMH, pour lesquelles les paris se prennent sur place, aux guichets. Chaque réunion comprend 8 courses, il y en a donc 72 à l’année. Des sessions de qualification sont également organisées, et la piste est accessible deux fois par mois pour les entraînements. Nous avons, d’ailleurs, un bon pourcentage de qualifications à Feurs.
La piste a-t-elle une influence directe sur les performances des chevaux?
Oui, et la nôtre est réputée pour sa qualité et sa régularité. C’est une piste en sable de 1 300m corde à gauche, large de 20m, qui permet de faire courir 18 chevaux par épreuve. Elle figure parmi les meilleures du centre-est et fait l’unanimité auprès des professionnels d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une piste de dégagement pour que les chevaux fautifs puissent se retirer sans gêner les autres.

Les foréziens sont très fidèles à leur hippodrome, qui est devenu un haut-lieu de rassemblement populaire. Comment se vit la passion côté grand public?
Dans une ambiance très festive et conviviale! La tribune a plus de 1 000 places assises, et un espace de jeux ouvert permettant aux turfistes de jouer sur les courses de l’hippodrome ou sur les réunions premium. Les enfants peuvent profiter de manèges ou de balades en poney, tandis que de nombreuses télévisions retransmettent les réunions au public. Sans oublier le restaurant panoramique de 200 places, avec vue sur la piste, la visite des coulisses de l’hippodrome en partenariat avec l’Office de Tourisme Forez-Est ou encore le «jeu de la chance» qui permet régulièrement à un gagnant de repartir avec 700€…


Parlez-nous de la Fête de l’Hippodrome, prévue cette année le 24 juin…
C’est en effet l’évènement à ne pas manquer, une fête annuelle en semi-nocturne qui propose, au-delà des courses prévues, un spectacle équestre, un feu d’artifice et diverses animations. C’est une façon de célébrer ce qui nous unit, quelles que soient nos motivations.
Que peut-on vous souhaiter?
Que l’engouement perdure et que la Société des Courses de Feurs soit plus vivante que jamais dans les 166 années à venir…

3, Boulevard de l’hippodrome – 42110 Feurs
04 77 26 10 45
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