Défense et Protection des Equidés
« On reconnaît le degré de civilisation d ’un peuple a la manière dont il traite ses animaux ». Ghandi
Il était là bien avant nous. Le cheval. 60 millions d’années pour être exacte, passées, entre autres broutages, cavalcades et amoures vache, à échapper aux grands prédateurs carnassiers. Et puis, l’homme est apparu. Il a dû faire une drôle de tête le premier cheval à l’avoir vu. Il a même dû s’y laisser prendre, et croire à un étrange bipède au cœur tendre. Mais le petit bleu était malin, et sacrément obsédé par les protéines d’origine animale. Alors il fut, rebelote, sa proie pendant des milliers d’années. Jusqu’à ce que des peuples nomades se dissent, il y a environ 6000 ans, « tiens, et si en plus d’en mettre dans les lasagnes, on lui montait dessus pour voir ? ». Le cheval devint alors, sans que l’inverse fût vrai, la plus belle conquête de l’homme, qui changea grâce à lui le cours de son histoire en allant plus loin et plus vite. La fiche produit, des équidés en général, du cheval en particulier, se remplit au cours des siècles qui suivirent et l’on put bientôt ajouter à ses fonctions nourricières celles, passablement exploitées, des bêtes de somme. Longtemps utilisé pour le transport, des hommes ou des charges lourdes, pour les travaux des champs ou tout ce qui nécessitait une capacité de traction importante, le cheval le fut aussi pour accompagner dans la mort ou la gloire pléthore de guerriers. Et que pouvait-il bien comprendre à la boucherie humaine lui qui a si souvent fini en boucherie chevaline ? Que pouvait-il ressentir, lui qui est capable de déceler un changement de pression sanguine chez quelqu’un situé à plusieurs mètres de lui, lui dont la peau est bien plus sensible à la douleur que la nôtre ? A fleur de crin, tous derrière et lui devant, combien de fois a-t-il dû mourir d’effroi avant de périr sur le front, sans les honneurs de la cavalerie ?
De nos jours, la traction hippomobile se fait rare, et ne fait défiler sa désuétude folklorique que pour amuser la galerie. De même, le cheval de selle militaire ne s’en va plus en guerre et le moteur a depuis bien longtemps remplacé le cheval de trait. Restent les parades commémoratives, les sports hippiques, et l’hippophagie, soit l’usage alimentaire de sa viande. Bref, le monde des hommes n’en a pas encore fini avec la domination et l’instrumentalisation des équidés, dans leur très grande majorité. Seules les licornes s’en sortent à moindres frais, vaguement ridiculisées par des teintures arc-en-ciel et des paillettes jetées sur leurs cornes torsadées. Car avouons qu’ils sont rares, ceux qui vraiment les aiment, et les respectent sans les exploiter. Même si les pratiques changent, si la loi de 2021 a pour but « d’intensifier la lutte contre la maltraitance et améliorer les conditions de détention », même si le compagnonnage met à mal l’héritage culturel, le sort de ces animaux domestiqués reste communément peu enviable.
A Feurs, l’association La Réserve œuvre pour offrir aux équidés qui lui sont signalés la meilleure existence possible, jusqu’à ce qu’une mort naturelle s’en suive. Elle a pour but leur sauvetage et leur placement dans des familles définitives et, à terme, la création d’un sanctuaire où l’on pourrait voir, dans les yeux des protégés, toute la beauté animale antérieure à l’avènement de l’homme. Patrice Legay, président de La Réserve, a murmuré à notre oreille un discours empreint de sagesse, d’humanité dans ce qu’elle a de plus sensible, et d’amour véritable pour une des plus extraordinaires créations de la nature.
Du constat à l’action
Pauline Proliol et Patrice Legay sont tous deux cavaliers. Ou étaient. Souvent confrontés à des aberrations éducatives ou à des scandales insoutenables, ils décident d’agir, encouragés par la loi de 2015 qui, concernant la condition animale, a intégré dans le code civil la notion « d’être vivant doué de sensibilité ». Eux-mêmes propriétaires de chevaux, ils créent l’association La Réserve en 2016, persuadés que la cause équine doit être embrassée. Une fois les choses formalisées, ils louent des terrains autour de Feurs et commencent à accueillir des équidés issus de saisies administratives puis judiciaires. Depuis lors, les places du refuge sont réservées aux placements pour maltraitance, mais l’association peut également héberger un équidé sur la demande d’un particulier, dans le cadre par exemple de dispositions testamentaires. La Réserve a à ce jour 23 pensionnaires, que nous avons rencontrés (seuls les zèbres manquaient à l’appel), répartis sur 17 hectares à Civens, Jas et Chambost Longessaigne. Chacun d’entre eux est pris en charge avec tous les égards qui lui sont dus : nourriture, soins, désensibilisation patiente, débourrage bienveillant, etc. Cette étape est cruciale, et de longue haleine, car les traumatismes subis et les pathologies non traitées sont souvent légion. L’animal reste un objet de droit, une chose corporelle pouvant entrer dans un patrimoine, et la perception de son statut, variable d’un individu à l’autre, induit pour certains une maltraitance légitime, volontaire ou non. Ainsi, et après une période de veille plus ou moins longue, le pensionnaire peut être placé dans une famille d’accueil, mais toujours sous contrat. Certains, c’est acté, ne repartiront jamais de La Réserve, car ils y ont trouvé des liens d’amour réciproque impossibles à défaire.
Chacun d’entre eux est pris en charge avec tous les égards qui lui sont dus : nourriture, soins, désensibilisation patiente, débourrage bienveillant, etc. Cette étape est cruciale, et de longue haleine, car les traumatismes subis et les pathologies non traitées sont souvent légion. L’animal reste un objet de droit, une chose corporelle pouvant entrer dans un patrimoine, et la perception de son statut, variable d’un individu à l’autre, induit pour certains une maltraitance légitime, volontaire ou non. Ainsi, et après une période de veille plus ou moins longue, le pensionnaire peut être placé dans une famille d’accueil, mais toujours sous contrat. Certains, c’est acté, ne repartiront jamais de La Réserve, car ils y ont trouvé des liens d’amour réciproque impossibles à défaire.
Missions et fonctionnement
Outre le sauvetage et la prise en charge des équidés maltraités, l’association a un rôle de lanceuse d’alerte, mais aussi d’information et de sensibilisation du grand public. Elle a également pour vocation le renforcement des dispositifs légaux, en étroite collaboration avec le tissu associatif dédié à la protection animale, et avec les autorités compétentes. Le nerf de la guerre étant, comme souvent, l’argent, qui ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval. Car si l’engagement sociétal est de plus en plus fort, les moyens manquent et La Réserve ne perçoit aucune aide de l’état. Alors comment fait-elle ? Elle compte sur les cotisations (25€ annuels) et l’investissement bénévole de ses membres, sur les dons privés (défiscalisés), sur son fonds de dotation (mécénat) et sur les legs, sachant qu’un seul d’entre eux pourrait changer la donne. Afin d’avoir davantage de visibilité « physique », Pauline et Patrice ont ouvert dans le centre de Feurs une boutique solidaire « La Réserve », où sont vendues des créations artisanales locales. Déterminés et totalement investis (ils ont quitté leurs jobs respectifs et vendu leur maison…), leur but est de sécuriser au plus vite l’approvisionnement en foin (20 000€/an) et les frais vétérinaires. L’association souhaite à terme être en mesure de posséder son propre refuge, afin d’y accueillir du public et des stagiaires, et ses propres terrains afin d’atteindre une autonomie fourragère.
Le premier jour du reste de leur vie
Les équidés sont des animaux grégaires, et les priver de la compagnie de leurs semblables est une punition. La Réserve s’attache à respecter les besoins basiques de l’espèce. Les chevaux, ânes et autres poneys vivent ici en groupe, apaisés par leurs interactions et la hiérarchie qui en découle. Ils se positionnent instinctivement comme des proies potentielles, et se structurer les rassurent. Là, au milieu d’un champ, entourés de rescapés curieux aussi impressionnants que majestueux, Patrice, qui ne considère avoir appris à les connaître vraiment que le jour où il a arrêté de les monter, nous les présente un à un. Il y a Prince, un cheval de trait qui allait être euthanasié parce qu’atteint d’une maladie incurable nécessitant des soins quotidiens (la maladie de la « Patte à Jus »), il y a Tiback, la jument dominante qui harmonise le troupeau, il y a Rose, longtemps inapprochable et aujourd’hui aussi affectueuse qu’un chien fidèle, récupérée en fin de gestation et ayant perdu son poulain, il y a Gazelle, battue dans une première vie et toujours aussi farouche après deux ans et demi de tentatives d’approche… Il y a, même, Elvis, inclassable poney de 37 ans, ici depuis 5 ans, sauvé bien trop tard pour être socialisé. Un libertaire du genre équidé qui, ayant vécu peu ou prou à l’abandon une grande partie de son existence, est une cause perdue pour les résilients qui l’entourent. Mais pas pour La Réserve qui, à force d’attentions, s’en ai fait une sorte de mascotte truculente. Et puis il y a Pompon, un âne arraché à son destin charcutier, qui, il le sait, ne quittera plus ses bienfaiteurs tant il s’est attaché leurs sentiments…distingués. Alors oui, cette fois enfin, nous pouvons dire sans honte que le cheval, ou l’équidé quel qu’il soit, est le miroir de l’humanité. Celle dont nous avons tant à gagner.
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