Voyages au Bout de la Nuit
Les Vers Polaires
C’est une histoire de collision. Entre les particules de vent solaire et les molécules d’air de l’atmosphère terrestre. Une collision qui, comme d’autres rencontres magnétiques accouchent d’une étincelle érotique, invente une lumière à transpercer la nuit polaire. Une sorte d’accident, au constat éclatant, impliquant les atomes gazeux de notre ciel et les fragments d’un astre incandescent faisant la pluie et le beau temps. Comme des postillons de voie lactée, un éternuement de soleil, luminescents de tant d’énergie, qui viendraient se projeter sur l’écran noir du crépuscule astronomique et offrir ainsi à l’humanité un spectacle aussi chimique que féérique, aussi électrique qu’onirique. Une symphonie céleste, un cantique des cantiques écrit par l’univers sur un livre nocturne, quelque part dans la zone aurorale, proche souvent des pôles magnétiques. Et qui dit pôles magnétiques dit que notre région n’est pas vraiment la championne olympique de ce ballet cosmique. Tantôt austral, dans l’hémisphère sud, tantôt boréal, dans l’hémisphère nord, le phénomène atmosphérique enfantant les aurores n’est en règle générale visible que depuis des spots très confidentiels de notre planète terre. En bref, chez nous, c’est mort. Ou presque. Mais alors comment faire pour voir de nos yeux voir ces aquarelles astrales, ces draperies
radieuses, auxquelles on nous dit de croire, comme il nous fallait croire, enfant, qu’un vieux monsieur lapon, barbu et bedonnant, aurait assez d’une nuit pour gâter en toute inégalité les enfants de la chrétienté ? Et bien il faut se rapprocher des pôles, le voir pour y croire, non pas au Père Noël, mais au mystère du monde.
Sergiu, lui, n’a jamais été autorisé, si ce n’est en rêve, à attendre la venue de ce personnage légendaire. Né en 1982 à Timisoara, la petite Vienne Roumaine, il a dû se contenter, à l’aube de sa vie, du Père Dugel, ou Moș Gerilă, imposé par la dictature communiste de Ceaușescu. Opium du peuple et compagnie…même le terme Noël, Crăciun, était banni, car réputé venir du christianisme dont les chants, fêtes et traditions étaient devenus idéologiquement dangereux. Il a pourtant bien fallu que cet enfant, fatalement élevé dans l’austérité et la crainte des informateurs, pût se raconter des histoires en couleurs. Entre propagande et rations, arrestations arbitraires (son père fut accusé d’être de confession musulmane car il portait du blanc…) et ambiance festivités en Corée du Nord, Sergiu a laissé, grand bien lui en a pris, les légendes nordiques lui faire voir du pays. Naturellement peu doué pour l’absurdité d’une marche au pas, celui qui refusait déjà de se soumettre au programme prosélyte du jardin d’enfant s’en est, inconsciemment d’abord, remis à un ailleurs qu’il ne connaissait pas encore. Et, va-t-on savoir pourquoi, les aurores boréales ont semé leurs étoiles dans cette enfance frugale.
Depuis, bien sûr, le maudit génie des Carpates et son outrecuidante épouse, tous deux largement génocidaires, ont été écrasés sous la chute, en 1989, du rideau de fer, emportant dans leur déliquescence… le Père Dugel. Depuis, bien sûr, la Roumanie s’est ouverte au monde, et Sergiu à son rêve entêtant. Depuis, ce qui était moins sûr, la providence ou je ne sais quoi du genre l’a installé à Roanne. Il y prépare pour nous les voyages intimistes de Aurora Labs Norway, des voyages au bout de la nuit polaire, loin, bien loin du tourisme de masse, là où il n’y a qu’un seul rendez-vous qui vaille : celui de l’obscurité avec la lumière.
FABRIQUE D’UN GUIDE ARCTIQUE
A partir de 1989 donc, Sergiu emmagasine des souvenirs aussi puissants que vertigineux. Le monde vient à lui et tout dans ses découvertes le fascine, des légos aux jeans, de la musique occidentale aux antennes satellites. A l’entraide et la débrouille succèdent l’ivresse du changement et la soif de consommation. Bientôt, son esprit en partie scientifique l’amène à l’université. Lui n’a pas encore quitté le pays mais d’autres le font pour lui. Un ami lui ramène de Norvège une revue touristique et là, devant les dernières pages dédiées à la terre la plus septentrionale du pays, l’archipel du Svalbard, situé principalement en mer du Groenland, dans l’océan Arctique et en mer de Barents, c’est l’éblouissement, l’enchantement qui lui fait prendre perpète. Sur le papier glacé : des aurores boréales. S’il se remémore alors son rêve d’enfant, assister à leur spectacle hypnotique, il poursuit cependant ses études, et son doctorat en microscopie électronique (il est major de sa promo en chimie) l’oblige à participer à des programmes de recherche à l’étranger. Il vit tour à tour à Caen, en Angleterre, puis commence à travailler à l’INSA de Lyon. Il a entre-temps pris goût aux voyages, en Islande, en Norvège, en Finlande, et essaie pendant 4 ans, mais sans succès, de « chasser » sa première aurore. En 2015 enfin, il en voit une faiblement, mais qui suffit à l’emballer, et décide d’étudier très sérieusement le phénomène. En 2017, c’est la consécration, il en voit toutes les nuits à Vadsø, une petite municipalité de la péninsule de Varanger, située dans le comté du Finnmark en Laponie Norvégienne. De retour à Lyon, où son CDD se termine, il décide de créer sa société,« Aurora Labs Norway », pour organiser dans ce coin du monde des séjours insolites, au plus près des étoiles.
FABRIQUE D’UNE AURORE BORÉALE
Sergiu est donc devenu officiellement « chasseur » (sans mise à mort ni destruction) d’aurores boréales en 2019, après avoir identifié l’endroit idéal d’où pouvoir les observer. Ces tempêtes géomagnétiques se produisent lorsque l’activité solaire est intense et que la quantité de particules libérées excède la capacité de rétention de la magnétosphère, qui en temps normal les dévie toutes, et heureusement pour nous. Ce trop-plein entre alors en collision avec les gaz, principalement de l’oxygène et de l’azote, composant notre atmosphère. Cette interaction détermine l’émission d’une lumière visible qui peut reproduire toutes les couleurs du spectre, suivant la nature et l’altitude des atomes frappés par les particules de vent solaire. C’est pourquoi le vert, émis par l’oxygène en quelques secondes, est plus présent. Reste à déterminer le moment pour les voir : toute l’année en théorie, de nuit et par ciel dégagé, mais plus aisément de début octobre à la mi-mars, avant et après le solstice d’hiver du 21 décembre. Et idéalement là où se produit la nuit polaire, cette période au cours de laquelle le soleil ne se lève jamais, sans pour autant induire une obscurité totale. Dans le grand
nord donc, même s’il peut arriver qu’un orage magnétique extrême rende les aurores boréales visibles à des latitudes inhabituelles, comme ce fut le cas dans la nuit du 10 au 11 mai 2024, où Sergiu en a immortalisé une à… Villerest. Leur force est en réalité estimée avec l’indice Kp, ou « indice planétaire », qui oscille entre 0 (activité minimale) et 9 (activité maximale). Plus le Kp est important, plus on peut voir les aurores au sud. Il se trouve que Sergiu a déniché un des meilleurs emplacements pour les contempler même lorsque leur activité est minimale, dans la zone aurorale le long d’un ovale positionné au-dessus de la terre par rapport au soleil. J’ai nommé (enfin… façon de parler) : Vadsø, qui vit intensément les deux saisons polaires, la nuit polaire autour du solstice d’hiver, puis le jour polaire et son soleil de minuit, autour du solstice d’été.
FABRIQUE D’UN VOYAGE POLAIRE
Aurora Labs a choisi cet endroit, presque retiré du monde, exempt de pollution atmosphérique, lumineuse et phonique, pour vous faire découvrir le rythme arctique. La région, riche en histoire, est méconnue du grand public, préservée des assauts touristiques. Les voyages organisés par Sergiu, en collaboration avec les acteurs locaux, n’excèdent jamais 4 participants, afin de respecter l’authenticité des lieux et la promesse d’une expérience unique. Le séjour, chez l’habitant et en totale immersion, comprend diverses activités en tout petit comité : motoneige, chiens de traîneau, découverte d’un élevage de rennes, etc. Et, bien entendu, dès que l’application développée par Sergiu en donne le signal (Aurora Labs Prévision Aurorale-gratuite et sans publicité), votre guide vous emmène aux pieds de ces divinités dansantes. Qu’il vous fait également « écouter » (il est le seul au monde à le proposer). Les années 2024, 2025, et potentiellement 2026, sont au milieu d’un cycle solaire, qui dure 11 ans. Nous sommes donc en plein « maximum solaire », lequel induit des aurores boréales plus fréquentes et plus intenses.
En d’autres mots : c’est le moment. Et si par malheur vous souffrez d’hodophobie (la peur des voyages), vous pouvez suivre le cours en ligne de Sergiu (www.auroralabsnorway.com) pour tout apprendre sur les aurores boréales. Il commence à être une sommité dans ce domaine, ce qui n’est pas pour lui déplaire. En attendant d’en être le ténor absolu, il a réalisé son rêve le plus cher en tombant en amour pour cette partie du globe, où les paysages lui rappellent que la vie, ce n’est pas seulement respirer, c’est aussi, et surtout, avoir le souffle coupé.