À Sauvain, Village de Caractère
La Symphonie Pastorale
Alors que d’aucuns inventaient des slogans, interdisaient d’interdire, en appelaient à la volonté générale contre la volonté du général, voyaient, sous les pavés, la plage, et la police, partout, la justice, nulle part… d’autres pensaient librement, à l’ombre d’une chapelle peut-être, qu’il fallait être réaliste et demander l’impossible. « Sauvain est à nous !», dirent-ils sans doute, et, laissant la peur du rouge aux bêtes à cornes, créèrent une association incitant à fermer la télé et à ouvrir les yeux. Ainsi naquit en 1968 « La Maison Sauvagnarde », porte-drapeau d’un patrimoine éloquent et d’une commune qui, nichée au cœur des Monts du Forez, voulait que son rêve restât une réalité. Cette soixante-huitarde singulière prit donc le parti, à l’heure du déclin du pastoralisme, de lutter pour ses acquis, des paysages remarquables aux traditions fromagères, des monuments historiques aux jasseries en pierres. Et, alors que d’aucuns, donc, noircissaient des pancartes de « cours, camarade, le vieux monde est derrière toi », elle choisissait de le préserver… dans un musée. Ce n’était, bien sûr, qu’un début, et il fallait continuer le combat. Mais l’idée d’un avenir dynamique, contre vents et marées, s’offrait déjà à qui voulait laisser l’imagination prendre le pouvoir.

Le Musée de la Fourme et des Traditions est à Sauvain ce que la Canebière est à la cité phocéenne : un blason, une flagrance, un pont entre les âges. Qui nous parle des pâturages, des landes et des tourbières, de cette matrice qu’ont été les Hautes-Chaumes pour ce cylindre à pâte persillée, fierté lactée de Montbrison, et de ce qu’était la vie dans cette mosaïque de végétation. La vie dans les jasseries, abris d’altitude en pierre dont il reste heureusement quelques spécimens reconvertis en résidences secondaires ou en sites touristiques et culturels, la vie aux côtés des scieurs de long, travailleurs nomades du Massif central, la vie bercée par le chant de l’alouette lulu, de la caille des blés ou des busards.
La vie de château, aussi. Celui de Sauvain, dont Marie Dulac hérita en 1873, à la mort de son père Etienne Marie Emile, juge au tribunal de Montbrison. Celui qu’elle transmit à la famille Lépine en épousant Louis en 1880. Ce haut-fonctionnaire, dont la postérité se souvient notamment grâce au concours éponyme qu’il créa en 1901, fut, entre autres, sous-préfet à Montbrison, préfet de la Loire à Saint-Etienne, et préfet de police à Paris. Il fut, surtout et pour l’histoire qui nous concerne, amoureux de Sauvain, dont le château lui offrit sans doute un entracte bucolique entre deux scènes des Apaches ou de la Bande à Bonnot.


Alors oui, l’histoire du Musée de la Fourme et des Traditions est intimement liée à celle de Louis Lépine, à laquelle une exposition est d’ailleurs consacrée, parmi tant d’autres. Pour nous en parler : Annie Arnoult, membre bénévole de « La Maison Sauvagnarde » depuis 42 ans. Les murs ont des oreilles et, de concert avec elle, nous jouent la symphonie pastorale de nos aïeux.
Bonjour Annie, pouvez-vous, en préambule, nous présenter l’association « La Maison Sauvagnarde », qui gère le Musée de la Fourme et des Traditions ?
– L’association a été créée en 1968 par les habitants de Sauvain, pour dynamiser la commune, et participer à son animation culturelle et touristique. C’est elle qui a développé le musée, installé en cette année-là dans les communs du château de Louis Lépine, afin de valoriser notre patrimoine pastoral. Mais nous avons vite été à l’étroit et l’endroit n’était pas adapté aux personnes en situation de handicap.
Vous avez donc déménagé ?
– Oui, en 2003, et juste de l’autre côté de la rue. Nous avons investi, après des travaux d’envergure, un grand ensemble dont l’architecture est celle d’une ferme traditionnelle du Forez. Nous sommes aujourd’hui près d’une centaine de bénévoles à accueillir à tour de rôle les visiteurs, parmi lesquels une vingtaine constituent le groupe d’animation. Et le Musée de la Fourme et des Traditions est labellisé Tourisme et Handicap pour les handicaps moteurs, visuels et cognitifs. Des aménagements sont également en cours pour les handicaps auditifs.
Vous ne faites pas les choses à moitié… parlons justement des expositions, qui n’ont pas été envisagées à la légère…
– En effet, le musée s’est encore agrandi il y a 15 ans, après le rachat d’une grange et d’un garage attenants. Il présente maintenant plus de 12 expositions sur 800m2, qui toutes permettent de découvrir la vie d’antan.



Quelles sont-elles, ces expositions ?
– La première d’entre elles, près de la salle commune où se trouve un puits, est dédiée à la fabrication de la fourme comme elle se faisait autrefois dans les jasseries. Nous avons recréé une logette typique, soit l’habitation qui se situait à côté de l’étable des vaches, avec tous les objets utilisés à l’époque. Puis vient à l’étage une exposition sur le travail du chanvre, qui servait pour la fabrication textile, puis sur celui de la laine, depuis l’élevage jusqu’au tricotage. On peut ensuite découvrir des modèles réduits de voitures hippomobiles, et, dans la grange, une mise en scène des métiers d’autrefois, avec leur outillage traditionnel. Et plein d’autres choses encore : l’histoire des scieurs de long, le seigle « des semailles au pain noir », la récolte de la gentiane et de la myrtille, la scierie battante animée avec son et lumière, une collection d’outils anciens, un atelier de sabotier, l’histoire bien sûr entre Louis Lépine et Sauvain… Plus de 12 expositions je vous disais !
Vous avez même créé un « espace des senteurs » n’est-ce-pas ?
– Avec la flore exceptionnelle qui est la nôtre, c’était trop tentant ! 21 fleurs ont été sélectionnées pour servir de base à des parfums créés à Grasse : bruyère, fleur de myrtille, ail victorial, épilobe, digitale, pensée sauvage… Chaque senteur peut être testée dans cet espace dédié. Vous avez inauguré il y a peu une exposition nommée « La Montagne de Pierre-sur-Haute ».



On imagine aisément son thème, mais pouvez-vous nous en dire plus ?
– Nous avons mis plusieurs années à la mettre en place et l’avons en effet inaugurée le 16 juin dernier. Nous sommes particulièrement fiers du panorama de la montagne, de 6 mètres de long. Les élèves architectes de Saint-Etienne ont également confectionné une maquette avec 13 points lumineux et un grand écran permettant de faire défiler des images des tourbières, des jasseries de Colleigne, etc. Tandis qu’un film présente la vallée de Chorsin, ses paysages remarquables et sa cascade emblématique, logée dans une ancienne vallée glaciaire…
La muséographie est en effet assez moderne, et inclusive
– Nous avons fait le choix, dans les différentes expositions, de privilégier l’approche sensorielle. Les visiteurs peuvent voir, toucher, sentir, écouter. L’éclairage, aussi, a été beaucoup étudié.
Les visiteurs peuvent également partir à la découverte du patrimoine de Sauvain…
– Oui, le musée propose 3 sentiers thématiques balisés : Le Vallon de Subertha, pour découvrir les arbres foréziens dans l’ambiance du ruisseau de Pierre Brune, La Vallée de Chorsin, sur la montagne de Sauvain et des Hautes Chaumes, et Autour du Bourg, un circuit tout public pour faire connaissance avec le village.


Vous proposez des visites guidées ?
– Bien sûr ! Ainsi que des démonstrations de fabrication de fourme, ou de fonctionnement de la scierie battante… Les visites guidées sont réservées aux visites de groupes, et les visites individuelles sont libres.
Que peut-on vous souhaiter ?
– Que le Musée de la Fourme et des Traditions ravive encore longtemps la mémoire de nos anciens, tout en donnant aux nouvelles générations, qui sait, des idées pour l’avenir du monde…
Ouvert tous les dimanches et jours fériés en mai et octobre de 14h30 à 18h30,
tous les samedis et dimanches en juin et septembre de 14h30 à 18h30,
tous les jours en juillet et août de 10h30 à 12h30 et de 14h30 à 18h30.

2 place Louis Lépine, 42990 Sauvain
04 77 76 30 04
www.museedelafourme.com